Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/387

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Horrible, en attendant l’heure d’être lâché,
Vis, monstre ténébreux, sous le trône caché !

O poésie ! au ciel ton vol se réfugie
Quand les partis hurlants luttent à pleine orgie,
Quand la nécessité sous son code étouffant
Brise le fort, le faible, hélas ! l’innocent même,
Et sourde et sans pitié promène l’anathème
Du front blanc du vieillard au front pur de l’enfant !

Tu fuis alors à tire d’aile
Vers le ciel éternel et pur,
Vers la lumière à tous fidèle,
Vers l’innocence, vers l’azur !
Afin que ta pureté fière
N’ait pas la fange et la poussière
Des vils chemins par nous frayés,
Et que, nuages et tempêtes,
Tout ce qui passe sur nos têtes
Ne puisse passer qu’à tes pieds !

Tu sais qu’étoile sans orbite,
L’homme erre au gré de tous les vents ;
Tu sais que l’injustice habite
Dans la demeure des vivants ;
Et que nos cœurs sont des arènes
Où les passions souveraines,
Groupe horrible en vain combattu,
Lionnes, louves affamées,
Tigresses de taches semées,
Dévorent la chaste vertu !

Tout ce qui souffre est plein de haine.
Tout ce qui vit traîne un remords.