Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/613

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Prêtre autant que sculpteur, juge autant que poète, Accueillant celui-ci, rejetant celui-là, Louant Napoléon, gourmandant Attila, Parfois grandissant l’un par le contact de l’autre, Dérangeant le guerrier pour mieux placer l’apôtre, Tu fais des dieux ! — tu dis, abaissant ta hauteur, Au pauvre vieux soldat, à l’humble vieux pasteur : — Entrez ; je vous connais. Vos couronnes sont prêtes. Et tu dis à des rois : — Je ne sais qui vous êtes.


V

Car il ne suffit point d’avoir été des rois, D’avoir porté le sceptre, et le globe, et la croix, Pour que le fier poète et l’altier statuaire Étoilent dans sa nuit votre drap mortuaire, Et des hauts panthéons vous ouvrent les chemins.

C’est vous-mêmes, ô rois, qui de vos propres mains Bâtissez sur vos noms ou la gloire ou la honte ! Ce que nous avons fait tôt ou tard nous raconte. On peut vaincre le monde, avoir un peuple, agir Sur un siècle, guérir sa plaie ou l’élargir, — Lorsque vos missions seront enfin remplies, Des choses qu’ici-bas vous aurez accomplies Une voix sortira, voix de haine ou d’amour, Sombre comme le bruit du verrou dans la tour Ou douce comme un chant dans le nid des colombes, Qui fera remuer la pierre de vos tombes. Cette voix, l’avenir, grave et fatal témoin, Est d’avance penché qui l’écoute de loin ! Et là, point de caresse et point de flatterie, Point de bouche à mentir façonnée et nourrie, Pas d’hosanna payé, pas d’écho complaisant Changeant la plainte amère en cri reconnaissant.