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COLÈRE DE LA BÊTE.

À la philosophie, église dont Platon
Est le clocher avec Maugras pour clocheton ;
J’ai vu l’antre où l’on prie et l’antre où l’on dissèque ;
Et vos collèges froids dont la bibliothèque,
Ainsi qu’une vapeur qui prend forme le soir,
À l’étage d’en haut se condense en dortoir.
J’ai tout appris : Coger, Psellus, les Théophiles,
Pouranas composant la terre de neuf îles,
Socion et Photin ; que Sénèque était là
Quand saint Paul vint trouver Néron et lui parla ;
Qu’Alirune enseigna Marcomir ; que Marcobe
Sous Théodose était maître de garde-robe ;
Que les Populicains à Sens furent vaincus ;
Comment Manès d’abord s’appela Curbicus ;
Que sur la langue Apis avait un scarabée ;
Que Paschasin était évêque à Lilybée,
Et que Paschase, abbé de Corvey, fut traduit
Par le père Sirmond en seize cent dix-huit ;
Qu’Ambroise est un coursier dont le dogme est la bride ;
Que la clef de Cordus ouvre Dioscoride ;
Que l’esprit saint planait sur les fameux combats
De saint Jérôme avec le rabbin Akibas ;
Que l’absurde se croit ; que l’horrible s’adore ;
Qu’Ésoptius n’est pas moindre que Nimphidore ;
Et comment Mahomet dans tous ses embarras
Consultait Sergius aidé de Batiras ;
Qu’il n’existe qu’un siècle et qu’il n’est qu’une école ;
Que Bzovius fut docte, et que le grand Nicole
Est si grand qu’il pourrait loger sous son manteau
Godeau, Chiffletius, Possevin et Petau.
J’ai tout ruminé, glose, analyse, critique.
J’ai vu Laïs au pnyx, Aspasie au portique,
Et jusques à Scarron dans son trou de Saint-Cyr ;
J’ai fait ce stage affreux, n’ayant d’autre plaisir,
Au pied du mur humain pauvre bête acculée,
Que de manger parfois dans la main d’Apulée
Ou de parler avec Balaam dans un coin.