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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/334

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L’ÂNE.

Rat du budget, souris d’une bibliothèque,
Académicien bon voisin de l’évêque,
Quel compte te rends-tu de tout cela, réponds ?
Comment rattaches-tu les arches de ces ponts
Au grand centre de l’ombre ? avec quelles besicles,
Docteur, regardes-tu les formidables cycles ?
Tu t’enfermes, craintif, dans le roman sacré ;
Mieux vaut mutiler Dieu que fâcher son curé ;
Et Cuvier, traître au vrai, pour être pair de France,
Trouble des temps profonds la sombre transparence.

Pour augmenter la brume, hélas ! les professeurs
Ajoutent doctement de l’encre aux épaisseurs,
Et l’institut nous montre avec un air de gloire
L’énigme plus opaque et la source plus noire.
Ô le bon vieux palais gardé par deux lions !
La science met là tous ses tabellions,
Et l’on se complimente et l’on se félicite ;
Et moi l’âne, qui suis parmi vous en visite,
Je n’aurais jamais cru que l’homme triomphât
À ce point de son vide, et, si nul, fût si fat !
Avec Diafoirus Bridoison fraternise ;
Le dindon introduit l’oie et la divinise ;
Vrai ! quand la comète entre au sanhédrin des cieux
Et des astres fixant sur sa splendeur leurs yeux,
Le grand soleil, auquel tout l’empyrée adhère,
Ne fait pas plus de fête à ce récipiendaire.

Pleure, homme ! — Et que sais-tu de ton propre destin ?
Dis ? quoi de ton cerveau ? quoi de ton intestin ?
Quoi d’en haut ? quoi d’en bas ? depuis ton vieux déluge,
Dis, ce que c’est qu’un prêtre et ce que c’est qu’un juge,
Le sais-tu ? te vois-tu serpenter, dévier,
Crouler ? as-tu sondé la mort, trou de l’évier ?
Même en considérant Dieu comme hors de cause,
Comme clair dans l’esprit et prouvé dans la chose,
Même en nous laissant, nous les brutes, de côté,