Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome V.djvu/272

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Quoique ayant le koran,
Je ne suis rien qu’un ver. Ô vivants, c’est peut-être
Parce que je suis fait des croyances du prêtre,
Des splendeurs du tyran,

C’est parce qu’en ma nuit j’ai mangé vos victoires,
C’est parce que je suis composé de vos gloires
Dont l’éclat retentit,
De toutes vos fiertés, de toutes vos durées,
De toutes vos grandeurs, tour à tour dévorées,
Que je reste petit.
Qu’est-ce que l’univers ? Qu’est-ce que le mystère ?
Une table sans fin servie au ver de terre ;
Le nain partout béant ;
Un engloutissement du géant par l’atome,
Tout lentement rongé par Rien ; et le fantôme
Créé par le néant.



L’épouvante m’adore, et, ver, j’ai des pontifes.
Mon spectre prend une aile et mon aile a des griffes.
Vil, infect, chassieux,
Chétif, je me dilate en une immense forme,
Je plane, et par moments, chauve-souris énorme,
J’enveloppe les cieux.



Dieu qui m’avez fait ver, je vous ferai fumée.
Si je ne puis toucher votre essence innommée,
Je puis ronger du moins
L’amour dans l’homme, et l’astre au fond du ciel livide,
Dieu jaloux, et, faisant autour de vous le vide,
Vous ôter vos témoins.