Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



LV

HORREUR SACRÉE.


Souvent, dans le hallier où l’églogue hypocrite
S’en va chantant,
J’ai tout à coup cessé de lire Théocrite
Inquiétant ;

Homère fait trembler ; un gouffre est dans Eschyle ;
Parfois je veux
M’enfuir quand Circé passe ou quand je vois Achille
Pris aux cheveux ;

Les aigles sur les bords du Gange et du Caystre
Sont effrayants ;
Rien de grand qui ne soit confusément sinistre ;
Les noirs pæans,

Les psaumes, la chanson monstrueuse du mage
Ézéchiel,
Font devant notre œil fixe errer la vague image
D’un affreux ciel.

L’empyrée est l’abîme, on y plonge, on y reste
Avec terreur.
Car planer, c’est trembler ; si l’azur est céleste,
C’est par l’horreur.

L’épouvante est au fond des choses les plus belles ;
Les bleus vallons
Font parfois reculer d’effroi les fauves ailes
Des aquilons.

Ils sont pleins de regards et d’aspects ; et les sages,
Seuls dans les bois,