Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/370

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Qu’il vive ! Qu’il soit un et qu’il soit innombrable
Comme le peuple et comme Dieu !

V

En attendant, écume, autan, bruits, noires bouches,
Ménagez l’arbre enfant, éléments irrités !
Tant qu’il sera petit, murmurez, voix farouches,
Et quand il sera grand, chantez !

Les tyrans, entassant les fléaux, blocs funèbres,
Brisant l’homme idéal, broyant l’homme animal,
Sont en train de bâtir un fronton de ténèbres
Au vieil édifice du mal.

Avec l’ombre qui sort des guerres et des pestes,
Avec les tourbillons des grands embrasements,
Et les miasmes lourds et les souffles funestes
Des fosses pleines d’ossements,

Avec les toits brûlants, les villes enflammées,
Le noir temple du deuil par les rois est construit ;
On voit d’ici monter ces énormes fumées,
Colonnes torses de la nuit !

Nous, vaincus, construisons le bonheur ! Je convie
Les siècles à ton ombre, ô gland d’adversité !
Croîs, arbre ; règne, idée ; et que l’arbre ait la vie,
L’idée ayant l’éternité !

Pierre et César sont là, pleins du passé féroce !
C’est l’instant de lutter, nous qu’on osa bannir,
Contre le mal géant, contre l’erreur colosse,
Avec ton atome, avenir !

Semons ! — Semons le gland, et qu’il soit chêne immense !
Semons le droit ; qu’il soit bonheur, gloire et clarté !