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LE MANUSCRIT.

Le manuscrit de cette pièce se compose de dix feuillets [61 à 70]. Or nous retrouvons aux deuxième et sixième feuillets les mêmes vers biffés, déjà lus au premier feuillet.

S’agit-il de tuer ? ô peuple, il s’agit d’être.

Ceci nous porte à croire que quatre feuillets ont été ajoutés.

Sur la marge du feuillet 66, nous lisons des notes, vers et prose, tracées un peu dans tous les sens et raturées ; nous en reproduirons quelques-unes :

Votre justice est sphinx comme votre destin.
Au nom de votre fatalité ténébreuse pleine d’astres et de cloaques.
Réponse aux masques.
Votre justice est trouble.

Au verso, une phrase illisible.

Au feuillet suivant [67], un vers biffé :

Nous sommes trop saignants, trop souffrants, trop funèbres.

En marge et en regard de cette rature l’idée est développée dans cinq vers commençant par :

Nous sommes trop en butte au sort qui nous accable.

(Voir p. 49.)

Au bas de l’énumération des hideux aspects de la guillotine, ces annotations au crayon :

Non, nous ne voulons pas, nous autres, de cela.

Non, nous ne voulons pas de cela, nous autres.
C’était bon pour les rois, bon pour le passé.

Le dernier feuillet, sur papier blanc, semble plus récent que les autres. La fin primitive était donc :

La familiarité des fauves populaces !

(Voir p. 51.)


Cent mille hommes, criblés d’obus et de mitraille…

Ce manuscrit est de même format, de même papier et de même écriture que celui de : À un homme fini, daté d’août 1849. Et pourtant nous lisons au bas : 24 mars 1870.

Le 15 septembre 1848, Victor Hugo avait prononcé, à l’Assemblée législative, un discours contre la peine de mort[1] ; dans l’été de 1849 avait lieu l’expédition de Rome où Garibaldi lutta pour l’indépendance de l’Italie ; Victor Hugo, en écrivant ces vers a donc été inspiré à la fois par les événements et par son horreur de la peine de mort. Plus tard, après avoir lu un discours prononcé par Jules Simon en 1870 au Corps législatif, le poète se souvint de la poésie écrite en 1849, à laquelle les débats parlementaires donnaient un regain d’actualité, et, pour remercier l’orateur, il lui envoya et lui dédia cette pièce ; c’est ce qui explique pourquoi, en tête et à

  1. Actes et paroles, Avant l’exil.