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la publication, les Quatre vents de l’Esprit résumaient les quatre faces du génie de Victor Hugo. Et, citant les plus grands noms, le journal ajoutait : « Shakspeare n’a pas fait d’épopée, Dante n’a pas écrit de drames, Pindare de satires et Juvénal n’a pas composé d’odes. » Victor Hugo nous donnait, dans ses deux volumes, l’ode, la satire, le drame et l’épopée.



II

REVUE DE LA CRITIQUE.

Quand on lira tous ces extraits d’articles, on croira assister à quelque concours de dithyrambes. En effet, les écrivains s’appliquent à choisir les mots les plus sonores, à employer le style le plus imagé, à présenter les apologies les plus pompeuses, exprimant le regret de n’avoir pas à leur disposition l’incomparable vocabulaire du maître pour célébrer plus magnifiquement son œuvre. Ils n’ont pas assez de rayons pour grossir et élargir l’auréole du poète, ni assez de bronze et de marbre pour lui élever une statue digne de lui. C’est que Victor Hugo est entré vivant dans la gloire, et ils ont subi la contagion de cette fièvre dont Paris était atteint quelques mois avant la publication des Quatre vents de l’Esprit, lors de la célébration de la fête de Victor Hugo, au moment de son entrée dans sa quatre-vingtième année. On retrouve dans leurs articles tous les échos de l’apothéose. Les formules d’admiration, de surprise, d’enthousiasme ont été si entièrement épuisées qu’il y avait quelque gageure à les rajeunir. N’a-t-on pas déjà tout dit sur le magnifique épanouissement de ce génie, sa débordante fécondité et sa fantastique puissance ? Et cependant, si énorme qu’ait été cette production de plus de soixante années, l’impression qui se dégage de la critique, c’est qu’après avoir marqué sa colossale empreinte dans l’ode, la satire, le drame et l’épopée, Victor Hugo a réussi encore à se renouveler et à étonner ceux-là mêmes qui le connaissaient sous ses aspects les plus imprévus.

Fidèle à notre méthode nous avons voulu chercher quelque article hostile. Quel était l’homme qui avait attaqué avec le plus de violence, le plus d’aigreur et le plus d’injustice toutes les célébrités ou même seulement toutes les notoriétés sans exception ? C’était assurément M. de Pontmartin. Nous étions donc assuré de trouver l’article injurieux qui aurait manqué à la gloire de Victor Hugo. Nous ne pouvions guère douter que l’auteur des Causeries littéraires et des Jeudis de Mme Charbonnel ferait bonne mesure. Nous n’avons pas été déçu. On pourra s’étonner seulement que l’écrivain se soit si complètement fourvoyé. Il est vrai qu’une passion mieux documentée lui aurait sans doute épargné la tentation d’écrire des plaisanteries assez lourdes. On en jugera par cet échantillon que nous détachons de son article de la Gazette de France :


… L’esprit, c’est ce qui, même dans ses plus beaux temps, même dans ses plus belles œuvres, a toujours manqué à M. Victor Hugo. Le titre qu’il donne à son nouvel ouvrage, — Les Quatre vents de l’Esprit, — est, de sa part, une preuve d’abnégation stoïque ou d’étourderie sénile. Beaucoup de vent, oui ! un peu d’esprit, non ! Les vents qu’il