Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/88

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XXXIX Viro Major ==



Ayant vu le massacre immense, le combat,
Le peuple sur sa croix, Paris sur son grabat,
La pitié formidable était dans tes paroles;
Tu faisais ce que font les grandes âmes folles,
Et lasse de lutter, de rêver, de souffrir,
Tu disais: J'ai tué! car tu voulais mourir.

Tu mentais contre toi, terrible et surhumaine.
Judith la sombre juive, Arria la romaine,
Eussent battu des mains pendant que tu parlais.
Tu disais aux greniers: J'ai brûlé les palais!
Tu glorifiais ceux qu'on écrase et qu'on foule;
Tu criais: J'ai tué, qu'on me tue! Et la foule
Écoutait cette femme altière s'accuser.
Tu semblais envoyer au sépulcre un baiser;
Ton oeil fixe pesait sur les juges livides,
Et tu songeais, pareille aux graves Euménides.
La pâle mort était debout derrière toi.
Toute la vaste salle était pleine d'effroi,
Car le peuple saignant hait la guerre civile.
Dehors on entendait la rumeur de la ville.

Cette femme écoutait la vie aux bruits confus,
D'en haut, dans l'attitude austère du refus.
Elle n'avait pas l'air de comprendre autre chose
Qu'un pilori dressé pour une apothéose,
Et trouvant l'affront noble et le supplice beau,
Sinistre, elle hâtait le pas vers le tombeau.