Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIII.djvu/354

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Tout cet inattendù formidable où l'on erré,
Qu'on nomme histoire, où l'ombre a le ciel pour reflet,
C'est l'océan, tremblant, terrible, et, bien qu'il ait
De vagues mouvements de berceau, c'est le gouffre.
L'homme en ces profondeurs travaille, cherche, souffre,
Et l'espérance vole en avant, doux oiseau:
O pilote démon qui trahit le vaisseau!
Malheur au matelot monstrueux qui se traîne
Et fait avec sa vrille un trou dans la carène
Quand lé navire lutte en proie aux aquilons!

Historien, soyez implacable aux félons..
Je me sens inclément quand la patrie expire
Je ne hais point la mort, trouvant la honte, pire
Je ne suis. pas sévère et terrible à demi
Lorsqu'il s'agit de mettre en fuite l'ennemi;
J'exige la fureur, l'effort, la réussite!
Vous tenez le stylet tragique de-Tacite.
Eh bien soyez farouche et dur. Il me déplaît
Que le narrateur fasse un détail trop complet
De la difficulté de combattre, et calcule,
Complaisamment, le lieu, l'heure, le crépuscule,
La distance, le temps de marcher au cànon,
Si les soldats étaient bien disposés ou non,
S'il n'était point venu d'ordre contradictoire;
Je n'aime pas entendre ainsi parler l'histoire.
Et ce tas d'arguments, de motifs, de raisons,
C'est l'encouragement sinistre aux trahisons.
La plaidoirie est sombre et l'excuse est malsaine.
Ah! vous semez Grouchy! vous récoltez Bazaine.

15 janvier 1875