Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIII.djvu/363

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Couper le rameau fou qui fait tort au voisin,
Est sage; un jardinier est-il un assassin?
L'arbre étant surchargé d'un feuillage inutile
Et farouche, on le sauve alors qu'on le mutile;
Qui donc est de trop? nous, gens d'esprit, qui brillons?
Non! mais. les malvenus, les grabats, les haillons,
Les misères, les gueux, ceux que tu recommandes,
Pleutre, et les meurt-de-faim sont les branches gourmandes.
Qu'on les retranche. On a Cayenne pour cela.
Toujours un. peu de sang sur l'ordre ruissela;
Ce n'est pas. notre faute, et sot qui s'apitoie.
Un ouragan balaye, un carnage nettoie.
L'homme d'état réel prend son temps; celui-là,
Adroit, sait être Monck, et, fort, être Sylla.
Quoi donc! ton âge ignore et le nôtre t'enseigne!
Le peuple est un fiévreux qu'il faut:parfois qu'on saigne;
L'homme est habile et grand parmi les souverains
Qui lui lace un gilet de force sur les reins.
Le peuple est ton pégase, il est notre bourrique.
Sans doute il faut savoir user de rhétorique,
Jurer qu'on est du siècle, et qu'on respectera
La liberté, les droits de l'homme, et cætera;
Cela sonne bien; mais toute âme un peu maligne
Finit par s'appuyer sur la troupe de ligne;
On couronne des plans sûrs,-et dans l'ombre prêts,
Par un massacre heureux qu'on fait bénir après.
Le scrupule commence où finit la victoire;
Tels sont les temps, tels sont les coeurs, telle est l'histoire.
N'es-tu donc pas honteux. qu'on t'appelle innocent?
Nous estimons, retiens ceci, le trois pour cent,
Un grand sabre, et Bismarck; le reste, on le méprise. »

Soit, imberbes docteurs, raillez ma barbe grise
Qui pourtant, ne devrait pas faire d'envieux
Oui, c'est vrai, je suis jeune, et vous, vous êtes vieux.

19 août.