Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIII.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

XXII RENTRÉE DANS LA SOLITUDE



Ô ses amis d'hier, pas d'aujourd'hui, qu'il trouve
La prudence pour vous bonne, et qu'il vous approuve,
Cela doit vous suffire. Il dit: Reniez-moi,
Et sourit. Il poursuit sa route sans émoi;
 
Il faut bien que le coeur des hommes se révèle.
Croyez-vous que ce soit une chose nouvelle
Pour lui qui reste droit lorsqu'on est à genoux,
De tenir tête aux sots, aux furieux, à vous?
Quand Bonaparte était le maître de la terre,
Devant ce tout-puissant il fut le solitaire.
Braver, lutter, souffrir, ne sont-ce pas ses moeurs?
N'a-t-il pas l'habitude ancienne des clameurs?
N'a-t-il pas; du sommet d'un roc dans les nuées,
Vu vingt ans à ses pieds écumer les huées?
Vingt ans, couronne au front, l'empire n'a-t-il point
A cet homme pensif, d'en bas montré le poing?
Il avait l'oeil hagard des antiques prophètes.
Alors comme aujourd'hui c'était un fou. Donc, faites.
Adieu. Ce qu'il promit, il le tient maintenant,
Et c'est trop fort, il est fidèle, il est gênant.
Reniez-le. Tournez du côté de l'injure;
Tout doit finir. La vie est-elle une gageure?
L'entêtement d'un seul est un reproche à tous.
Le devoir des lions est de vieillir toutous;
Les vents époumonés ont dégonflé leur outre.
Pourquoi s'obstine-t-il, cet homme? Passons outre.