Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/36

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Cupidon vient gratter doucement à ta porte ;
Vénus par Bacciochi t’envoie un tendre aveu.
Pas un moment du jour, ô César, ô neveu,
Qui pour toi, comme un flot qui sur des fleurs s’épanche,
Ne soit gloire, bonheur, splendeur.

Le soir, revanche.

L’ombre n’est pas à toi. Dormir, c’est être pris.
Une main, qui saisit par l’aile les esprits,
S’ouvre, et lâche le songe où luit la catastrophe ;
Le vrai surgit ; tu fais d’affreux rêves. Ma strophe
La nuit devient ta femme, et, spectre, dans tes draps
Se couche, et tu l’entends dire : — Tu ne seras
Pas même lampion ; toi qui prends des airs d’astre ! —
Ton destin t’apparaît. Tu te vois, ô désastre !
Ô deuil ! redevenu l’aventurier gueusard,
Le prince bric-à-brac, l’altesse de hasard,
Portant pour diadème un feutre qui s’effondre,
N’ayant, ô dur retour des maigres jours de Londre,
Plus de sceptre à la main ni de bottes aux pieds ;
Et tout, empire, encens, Te Deum expiés,
S’évanouit devant tes prunelles hagardes,
Tout, depuis les cent sous, hélas ! jusqu’aux cent gardes !
Et tu ne comprends plus, effaré sous le vent,
Ton propre sort ; tu dis : Est-ce après ? est-ce avant ?
Tu voudrais t’éveiller. Non. Le remords t’accable
Et te tient, et te cloue au sommeil implacable,
Et de partout sur toi, maudit, tombe l’affront,
Et tous tes forfaits vont et viennent sur ton front,
Montmartre, les fourgons cahotant les cadavres,
Les chaînes dans les forts, les pontons dans les havres,
La mitraille, Charlet, Cirasse, Cuisinier ",
Les votes ; l’urne traître auprès du noir -panier,
Bidauré fusillé deux fois, Mazas, Cayenne,
Les proscrits, Lambessa que vient flairer l’hyène ;