Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XV.djvu/26

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Quoi ! tu braves ce dieu suprême.
Lorsque ta puissance elle-même
Est tributaire du cercueil !

Tu dis au Temps : je suis ton maître.
Obéis-moi, suspens tes pas ;
Que tout ce que mon bras fait naître
Ne soit point sujet au trépas.
Cités, monuments de ma gloire,
Levez-vous : portez ma mémoire
Jusques à la postérité ;
Échappez aux coups de la Parque,
Levez-vous : le mortel vous marque
Du sceau de l’immortalité.

D’un air farouche et taciturne.
Sourd à ton impuissant courroux ,
Sans s’arrêter, le vieux Saturne
Ne te répond que par ses coups.
Reine des cités, ô Palmyre,
Tu croyais fonder ton empire
Sur mille siècles écoulés ;
Du Temps tu deviens la conquête.
Du pied il a frappé ta tête. . .
Et tes remparts sont écroulés.

Où sont tes murs, ville superbe ?
Où sont tes somptueux lambris ?
Sur des monceaux de pierre et d’herbe,
Errant, je cherche tes débris.
Je crois encor, sous tes vieux porches ,
Voir Bellonc, agitant ses torches.
Annoncer ta chute aux humains.
Et dire à la terre étonnée :
Ainsi, mortels, une journée
Voit périr l’œuvre de vos mains.