Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/158

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Quoiqu’ils eussent, en arrivant au hameau d’Oëlmœ, l’intention d’y passer la nuit, ils le quittèrent tous deux, comme par une convention tacite, sans même s’interroger sur le motif de leur départ précipité. Celui d’Ordener était l’espérance de rencontrer plus tôt le brigand, celui de Spiagudry le désir de s’éloigner plus vite des archers.

Ordener avait l’esprit trop grave pour rire des mésaventures de son compagnon. Ce fut d’une voix affectueuse qu’il rompit le premier le silence.

— Vieillard, quelle est donc déjà cette ruine où l’on pourra trouver demain Han d’Islande, à ce qu’affirme ce petit homme qui paraît tout savoir ?

— Je l’ignore… Je l’ai mal entendu, noble maître, dit Spiagudry, qui en effet ne mentait pas.

— Il faudra donc, continua le jeune homme, se résigner à ne le rencontrer qu’après-demain à cette grotte de Walderhog ?

— La grotte de Walderhog, seigneur ! c’est en effet la demeure favorite de Han d’Islande.

— Prenons-en le chemin, dit Ordener.

— Tournons à gauche, derrière le rocher d’Oëlmœ ; il faut moins de deux journées pour arriver à la caverne de Walderhog.

— Connaissez-vous, vieillard, reprit Ordener avec ménagement, ce singulier homme qui semble si bien vous connaître ?

Cette question réveilla dans Spiagudry les craintes qui commençaient à s’affaiblir à mesure qu’ils s’éloignaient de la bourgade d’Oëlmœ.

— Non vraiment, seigneur, répondit-il d’une voix presque tremblante. Seulement, il a une voix bien étrange !

Ordener chercha à le rassurer.

— Ne craignez rien, vieillard ; servez-moi bien, je vous protégerai de même. Si je reviens vainqueur de Han, je vous promets non-seulement votre grâce, mais encore l’abandon des mille écus royaux qui sont offerts par la justice.

L’honnête Benignus aimait extraordinairement la vie, mais il aimait l’or prodigieusement. Les promesses d’Ordener furent comme des paroles magiques ; non seulement elles bannirent toutes ses frayeurs, mais encore elles réveillèrent en lui cette sorte d’hilarité loquace, qui s’épanchait en longs discours, en gesticulations bizarres et en savantes citations.

— Seigneur Ordener, dit-il, quand je devrais subir à ce sujet une controverse avec Over-Bilseuth, autrement dit le Bavard, non, rien ne m’empêcherait de soutenir que vous êtes un sage et honorable jeune homme. Quoi de plus digne et de plus glorieux en effet, quid citharâ, tubâ, vel campanâ