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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/162

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assure-t-on, se lèvent en son nom ; son nom est leur mot d’ordre, leur cri de ralliement ; ils lui donnent même les titres dont le roi l’a privé. — Tout cela semble certain. — Mais comment se fait-il que la comtesse d’Ahlefeld connût déjà tous ces détails il y a six jours, au moment où les premiers symptômes réels de l’insurrection se manifestaient à peine dans les mines ? — Cela est étrange. — N’importe, il faut pourvoir à tout. Donnez-moi mon sceau, Wapherney.

Le général écrivit trois lettres, les scella et les remit au secrétaire.

— Faites tenir ces messages au baron Vœthaün, colonel des arquebusiers, actuellement en garnison à Munckholm, afin que son régiment marche en hâte aux révoltés. — Voici, pour le commandant de Munckholm, un ordre de veiller plus soigneusement que jamais sur l’ex-grand-chancelier. Il faudra que je voie et que j’interroge moi-même ce Schumacker. — Enfin, envoyez cette lettre à Skongen, au major Wolhm, qui y commande, afin qu’il dirige une partie de la garnison vers le foyer de l’insurrection. — Allez, Wapherney, et qu’on exécute promptement ces ordres.

Le secrétaire sortit, laissant le gouverneur plongé dans ses réflexions.

— Tout cela est fort inquiétant, pensait-il. Ces mineurs révoltés là-bas, cette intrigante chancelière ici, ce fou d’Ordener… on ne sait où ! — Peut-être il voyage au milieu de tous ces bandits, laissant ici sous ma protection ce Schumacker, qui conspire contre l’état, et sa fille, pour la sûreté de laquelle j’ai eu la bonté d’éloigner la compagnie où se trouve ce Frédéric d’Ahlefeld, qu’Ordener accuse. — Eh mais, il me semble que cette compagnie pourra bien arrêter les premières colonnes des insurgés ; elle est bien placée pour cela. Walhstrom, où elle tient garnison, est près du lac de Smiasen et de la ruine d’Arbar. C’est un des points que la révolte gagnera nécessairement.

À cet endroit de sa rêverie, le général fut interrompu par le bruit de la porte qui s’ouvrait.

— Eh bien, que voulez-vous, Gustave ?

— Mon général, c’est un messager qui demande votre excellence.

— Allons ! qu’est-ce encore ? quelque désastre !… Faites entrer ce messager.

Le messager, introduit, remit un paquet au gouverneur.

— Votre excellence, dit-il, c’est de la part de sa sérénité le vice-roi.

Le général ouvrit précipitamment la dépêche.

— Par saint Georges, s’écria-t-il avec un mouvement de surprise, je crois qu’ils sont tous fous ! Ne voilà-t-il pas le vice-roi qui m’invite à me rendre près de lui, à Bergen ? C’est, dit-il, pour une affaire pressante, et d’après l’ordre du roi… — Voilà une affaire pressante qui choisit bien son moment. — « Le grand-chancelier, qui visite actuellement le Drontheimhus,