Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/244

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— Bah ! bah ! dit Hacket, vous dites là des folies, mon brave Norbith. Cet homme est un espion ; il faut qu’il meure.

— Donnez-moi ma hache, répéta le géant.

— Il ne mourra pas ! cria Norbith. Que dirait l’esprit de mon pauvre Nedlam, qu’ils ont indignement pendu ? Je vous assure qu’il ne mourra pas ; car Nedlam ne veut pas qu’il meure.

— En effet, dit le vieux Jonas, Norbith a raison. Comment voulez-vous qu’on tue cet étranger, seigneur Hacket ? il a la passe de Christophorus Nedlam.

— Mais c’est un espion, c’est un espion, reprit Hacket.

Le vieillard se plaça près du jeune homme, devant Ordener, et tous deux dirent gravement :

— Il a la passe de Christophorus Nedlam, qui a été pendu à Skongen.

Hacket vit qu’il fallait céder ; car tous les autres commençaient à murmurer, en disant que cet étranger ne pouvait mourir, puisqu’il portait le sauf-conduit de Nedlam le faux-monnayeur.

— Allons, dit-il entre ses dents avec une rage concentrée, qu’il vive donc. Au reste, c’est votre affaire.

— Ce serait le diable que je ne le tuerais point, dit Norbith triomphant.

En parlant ainsi, il se tourna vers Ordener.

— Écoute, poursuivit-il, tu dois être un bon frère, puisque tu as la passe de Nedlam mon pauvre ami. Nous sommes les mineurs royaux. Nous nous révoltons pour qu’on nous délivre de la tutelle. Le seigneur Hacket, que tu vois, dit que nous prenons les armes pour un certain comte Schumacker ; mais moi je ne le connais pas. Étranger, notre cause est juste. Écoute, et réponds-moi comme si tu répondais à ton saint patron. Veux-tu être des nôtres ?

Une idée passa dans l’esprit d’Ordener.

— Oui, répondit-il.

Norbith lui présenta un sabre, qu’il reçut en silence.

— Frère, dit le jeune chef, si tu veux nous trahir, tu commenceras par me tuer.

En ce moment, le son de la trompe retentit sous les arceaux de la mine, et l’on entendit des voix éloignées qui disaient : Voilà Kennybol !