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XXXIII

Est-ce là le chef ? ses regards m’effraient, je n’oserais lui parler.
Maturin, Bertram.



Aux cris qui annonçaient le fameux chasseur Kennybol, Hacket s’élança précipitamment au-devant de lui, en laissant Ordener avec les deux autres chefs.

— Vous voilà enfin, mon cher Kennybol ! Venez que je vous présente à votre formidable chef, Han d’Islande.

À ce nom, Kennybol, qui arrivait pâle, haletant, les cheveux hérissés, le visage inondé de sueur et les mains teintes de sang, recula de trois pas.

— Han d’Islande !

— Allons, dit Hacket, rassurez-vous ! il vient pour vous seconder. Ne voyez en lui qu’un ami, qu’un compagnon.

Kennybol ne l’entendait pas.

— Han d’Islande ici ! répéta-t-il.

— Eh oui, dit Hacket, en réprimant un rire équivoque ; allez-vous en avoir peur ?

— Quoi ! interrompit pour la troisième fois, le chasseur, vous m’affirmez… Han d’Islande dans cette mine !…

Hacket se tourna vers ceux qui l’entouraient :

— Est-ce que notre brave Kennybol est fou ?

Puis, s’adressant à Kennybol :

— Je vois que c’est la crainte de Han d’Islande qui vous a retardé.

Kennybol leva la main au ciel :

— Par Étheldera, la sainte martyre norvégienne, ce n’est pas la crainte de Han d’Islande, seigneur Hacket, mais bien Han d’Islande lui-même, je vous jure, qui m’a empêché d’être ici plus tôt.

Ces paroles firent éclater un murmure d’étonnement parmi la foule de montagnards et de mineurs qui entouraient les deux interlocuteurs, et jetèrent sur le front de Hacket le même nuage que l’aspect et le salut d’Ordener y avaient déjà fait naître un moment auparavant.

— Comment ! que dites-vous ? demanda-t-il en baissant la voix.

— Je dis, seigneur Hacket, que sans votre maudit Han l’Islandais j’aurais été ici avant le premier cri de la chouette.