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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/258

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de Drontheim et Schumacker était trop récent dans l’esprit d’Éthel, pour que le nom de Levin de Knud ne la frappât point.

— Levin de Knud ? dit-elle ; il me semble que c’est cet homme pour lequel mon père a tant d’estime et presque tant d’affection.

— Comment ! s’écria la grande femme.

— Oui, reprit la jeune fille, c’est ce Levin de Knud que mon seigneur et père défendait si vivement avant-hier contre le gouverneur de Drontheim.

Ces paroles redoublèrent la surprise de l’autre.

— Contre le gouverneur de Drontheim ! Ne vous jouez pas de moi, ma fille. Ce sont vos intérêts qui m’amènent. Votre père prenait contre le gouverneur de Drontheim le parti du général Levin de Knud !

— Du général ! il me semble que c’était du capitaine… Mais non, vous avez raison. — Mon père, poursuivit Éthel, paraissait conserver autant d’attachement à ce général Levin de Knud qu’il témoignait de haine au gouverneur du Drontheimhus.

— Voilà encore un étrange mystère ! dit en elle-même la grande femme pâle, dont la curiosité s’allumait de plus en plus. — Ma chère enfant, que s’est-il donc passé entre votre père et le gouverneur de Drontheim ?

L’interrogatoire fatiguait la pauvre Éthel, qui regarda fixement la grande femme.

— Suis-je donc une criminelle pour que vous m’interrogiez ainsi ?

À ce mot si simple, l’inconnue parut interdite, comme si elle sentait le fruit de son adresse lui échapper. Elle reprit néanmoins, d’une voix légèrement émue :

— Vous ne me parleriez pas ainsi si vous saviez pourquoi et pour qui je viens.

— Quoi ! dit Éthel, viendriez-vous de sa part ? m’apporteriez-vous un message de lui ?

Et tout son sang rougissait son beau visage ; et tout son cœur s’était soulevé dans son sein, gonflé d’impatience et d’inquiétude.

— …De qui ? demanda l’autre.

La jeune fille s’arrêta au moment de prononcer le nom adoré. Elle avait vu luire dans l’œil de l’étrangère un éclair de sombre joie qui semblait un rayon de l’enfer. Elle dit tristement :

— Vous ne savez pas de qui je veux parler.

L’expression de l’attente trompée se peignit pour la seconde fois sur le visage bienveillant de l’autre.

— Pauvre jeune fille ! s’écria-t-elle, que pourrais-je faire pour vous ?

Éthel n’entendait pas. Sa pensée était derrière les montagnes du septen-