Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/267

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— Et les hulans de Slesvig ! ajouta Jonas.

— Et les dragons danois ! reprit Kennybol.

Norbith frappa la terre du pied.

— Et la tutelle royale ! et ma mère, qui meurt de faim et de froid !

— Démons ! la tutelle royale ! dit le mineur Jonas, avec une sorte de frémissement.

— Qu’importe ! dit le montagnard Kennybol.

Jonas prit Kennybol par la main.

— Notre compagnon le chasseur, vous n’avez pas l’honneur d’être pupille de notre glorieux souverain Christiern IV. Puisse le saint roi Olaüs, qui est au ciel, nous délivrer de la tutelle !

— Demande ce bienfait à ton sabre ! dit Norbith d’une voix farouche.

— Les paroles hardies coûtent peu à un jeune homme, camarade Norbith, répondit Kennybol, mais songez que si nous allons plus loin, toutes ces casaques vertes…

— Je songe que nous aurons beau rentrer dans nos montagnes, comme des renards devant les loups, on connaît nos noms et notre révolte ; et, mourir pour mourir, j’aime mieux la balle d’une arquebuse que la corde d’un gibet.

Jonas remua la tête de haut en bas en signe d’adhésion.

— Diable ! la tutelle pour nos frères ! le gibet pour nous ! Norbith pourrait bien avoir raison.

— Donne-moi la main, mon brave Norbith, dit Kennybol ; il y a danger des deux côtés. Il vaut mieux marcher droit au précipice qu’y tomber à reculons.

— Allons ! allons donc ! s’écria le vieux Jonas, en faisant sonner le pommeau de son sabre.

Norbith leur serra vivement la main.

— Frères, écoutez ! Soyez audacieux comme moi, je serai prudent comme vous. Ne nous arrêtons aujourd’hui qu’à Skongen ; la garnison est faible et nous l’écraserons. Franchissons, puisqu’il le faut, les défilés du Pilier-Noir, mais dans un profond silence. Il faut les traverser, quand même ils seraient surveillés par l’ennemi.

— Je crois que les arquebusiers ne sont pas encore au pont de l’Ordals, avant Skongen. Mais, n’importe. Silence !

— Silence ! soit, répéta Kennybol.

— Maintenant, Jonas, reprit Norbith, retournons tous deux à notre poste. Demain peut-être nous serons à Drontheim, malgré les arquebusiers, les hulans, les dragons et tous les justaucorps verts du midi.

Les trois chefs se quittèrent. Bientôt le mot d’ordre silence ! passa de rang