Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Préface de 1833

Han d’Islande est un livre de jeune homme, et de très jeune homme.

On sent en le lisant que l’enfant de dix-huit ans qui écrivait Han d’Islande dans un accès de fièvre en 1821 n’avait encore aucune expérience des choses, aucune expérience des hommes, aucune expérience des idées, et qu’il cherchait à deviner tout cela.

Dans toute œuvre de la pensée, drame, poëme ou roman, il entre trois ingrédients : ce que l’auteur a senti, ce que l’auteur a observé, ce que l’auteur a deviné.

Dans le roman en particulier, pour qu’il soit bon, il faut qu’il y ait beaucoup de choses senties, beaucoup de choses observées, et que les choses devinées dérivent logiquement et simplement et sans solution de continuité des choses observées et des choses senties.

En appliquant cette loi à Han d’Islande, on fera saillir aisément ce qui constitue avant tout le défaut de ce livre.

Il n’y a dans Han d’Islande qu’une chose sentie, l’amour du jeune homme ; qu’une chose observée, l’amour de la jeune fille. Tout le reste est deviné, c’est-à-dire inventé. Car l’adolescence, qui n’a ni faits, ni expérience, ni échantillons derrière elle, ne devine qu’avec l’imagination. Aussi Han d’Islande, en admettant qu’il vaille la peine d’être classé, n’est-il guère autre chose qu’un roman fantastique.

Quand la première saison est passée, quand le front se penche, quand on sent le besoin de faire autre chose que des histoires curieuses pour effrayer les vieilles femmes et les petits enfants, quand on a usé au frottement de la vie les aspérités de sa jeunesse, on reconnaît que toute invention, toute création, toute divination de l’art doit avoir pour base l’étude, l’observation, le recueillement, la science, la mesure, la comparaison, la méditation sérieuse, le dessin