Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/367

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préjudice qu’elles peuvent porter à celui qui les a signées.

Le Mercure du dix-neuvième siècle.
L. Thiessé.

… Si les événements de ce roman sont neufs et singuliers, le style n’en est pas non plus ordinaire. L’auteur a pensé qu’un sujet étrange ne devait pas être traité en style naturel et simple. Il faut de l’harmonie dans un tableau. Ce serait pour nous une tâche très longue de citer tout ce que Han d’Islande offre de remarquable sous ce rapport ; bornons-nous à transcrire quelques phrases.

Après quelques citations, le journaliste poursuit :

… Il serait difficile peut-être de dire à quel genre appartient un tel ouvrage et quelle muse l’a inspiré. Les métaphysiciens prétendent que le génie est voisin de la démence. S’il en est ainsi, on peut dire que l’auteur de Han d’Islande n’est pas très éloigné du génie. Les lecteurs qui aiment le nouveau en trouveront abondamment dans les quatre volumes de Han d’Islande.

… Ce roman est le fruit d’un songe pénible et prolongé. Au reste, les auteurs sont quelquefois sujets à ce genre d’indisposition. Je ne citerai pour exemple que Victor Hugo, qui paraît en être plus travaillé qu’un autre, puisqu’il a cru devoir lui consacrer une ode entière. On trouve dans cette ode quelques vers qui peuvent s’appliquer au roman de Han d’Islande :

Il remplit le sommeil de vagues épouvantes
Et laisse à l’âme un long ennui.
(Le Cauchemar, ode par Victor Hugo.)

Nous terminons par l’article de Charles Nodier, qui fut l’origine des relations entre Victor Hugo et le critique de la Quotidienne.

La Quotidienne.
Ch. Nodier.

… Il s’est trouvé dans cette nouvelle génération de poètes, qui a fait en France la fortune du genre romantique, un rival de ce triste romancier anglais (Walter Scott), assez malheureux pour le surpasser dans l’horrible exagération des moyens, et qui, empressé comme on l’est à son âge de dépenser toutes les ressources de l’imagination, s’est montré plus jaloux de faire valoir avec soudaineté les facultés que la nature et l’étude lui ont départies que de les ménager habilement pour sa réputation. Il en est, dans les hommes d’une certaine organisation, des tentatives qui ont la gloire pour objet comme de celles qui aspirent au bonheur et à la volupté. Les intelligences précoces et les sensibilités profondes ne calculent pas l’avenir ; elles le dévorent. Les passions d’une âme jeune et puissante ne connaissent point de lendemain. Elles croient pouvoir rassasier toutes leurs ambitions et toutes leurs espérances dans la renommée et dans les plaisirs d’un jour. Han d’Islande a été le résultat d’une combinaison pareille, si l’on peut appeler combinaison l’instinct irréfléchi d’un génie original qui obéit, sans le savoir, à une impulsion étrangère à ses véritables intérêts, mais dont la belle et vaste carrière peut justifier tout ce qu’a promis de bien et racheter tout ce qu’a fait craindre l’heureuse faute de son départ. Il appartient à un très petit nombre d’hommes de commencer par de pareilles erreurs, et de laisser d’autres torts à reprendre à la critique que ceux qu’ils se sont volontairement donnés.

Je n’analyserai pas Han d’Islande ou plutôt j’en donnerai une idée beaucoup plus vraie que ne pourrait le faire l’analyse la plus exacte, en disant que Han d’Islande est un de ces ouvrages qu’on ne peut dépouiller de l’ensemble général de l’exécution sans tomber dans une caricature aussi injuste que facile. Qu’on se représente un auteur condamné par sa propre volonté à rechercher péniblement toutes les infirmités morales de la vie, toutes les horreurs de la société, toutes ses monstruosités, toutes ses dégradations, toutes les exceptions affreuses de l’état naturel et de l’état civilisé, pour choisir dans ces rebuts hideux quelques anomalies dégoutantes auxquelles les langues humaines ont à peine accordé un nom : la morgue, l’échafaud, la potence, l’anthropophage, le bourreau… Je ne sais quoi de plus innommé encore, car il attache à ces derniers états d’exécrables ambitions et d’incompréhensibles