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LE DERNIER JOUR D’UN CONDAMNÉ

penser qu’il l’a sollicitée avec tant d’ardeur et qu’elle lui était indifférente.

J’ai dit tout cela, et j’ai repris d’une voix ferme :

— Lisez, monsieur !

Il s’est mis à me lire un long texte, en chantant à la fin de chaque ligne et en hésitant au milieu de chaque mot. C’était le rejet de mon pourvoi.

— L’arrêt sera exécuté aujourd’hui en place de Grève, a-t-il ajouté quand il a eu terminé, sans lever les yeux de dessus son papier timbré. Nous partons à sept heures et demie précises pour la Conciergerie. Mon cher monsieur aurez-vous l’extrême bonté de me suivre ?

Depuis quelques instants je ne l’écoutais plus. Le directeur causait avec le prêtre ; lui avait l’œil fixé sur son papier ; je regardais la porte, qui était restée entr’ouverte… — Ah ! misérable ! quatre fusiliers dans le corridor !

L’huissier a répété sa question, en me regardant cette fois.

— Quand vous voudrez, lui ai-je répondu. À votre aise !

Il m’a salué en disant :

— J’aurai l’honneur de venir vous chercher dans une demi-heure.

Alors ils m’ont laissé seul.

Un moyen de fuir, mon Dieu ! un moyen quelconque ! Il faut que je m’évade ! il le faut ! sur-le-champ ! par les portes, par les fenêtres, par la charpente du toit ! quand même je devrais laisser de ma chair après les poutres !

Ô rage ! démons ! malédiction ! Il faudrait des mois pour percer ce mur avec de bons outils, et je n’ai ni un clou, ni une heure !