Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/789

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

courage d’apprécier ainsi la lettre de son correspondant :

Pour nous, ces quelques lignes constatent un fait immense, le progrès des idées. Ce que tant d’esprits prévenus avaient qualifié jusqu’ici de rêves et d’utopies paraît vouloir se réaliser. Les idées marchent et pénètrent.

Nous croyons inutile de faire observer la noble simplicité qui règne dans la lettre de M. Carlier. Il a raison, Claude Gueux est une grande leçon. Mais sa lettre est peut-être une leçon plus grande encore. M. Carlier a mis son titre de négociant au bas d’une sérieuse et digne chose ; il a signé l’alliance de deux forces toutes-puissantes.

Le grand poète auteur de Claude Gueux a été justement flatté de cette nouvelle marque de la sympathie qui escorte tous ses travaux. C’est en effet le plus beau triomphe qui soit réservé à l’écrivain que de voir la pensée qu’il sème s’élever aussi vite et porter des fruits aussi inattendus. Tant de théories justement louables ont passé dans ce monde sans obtenir l’attention et, encore moins, les honneurs de la pratique, qu’on doit ne pas considérer comme un médiocre événement l’accueil empressé qui se fait aujourd’hui à toutes les intentions loyales et pures de réformer et d’améliorer, de sauver et de conserver.

… Il appartenait à une des classes de la société, qui n’ont pas toujours témoigné une vive sympathie à ces nobles et bienfaisantes ambitions, de donner à cette heure une marque aussi précieuse de son retour vers les intérêts spirituels.

La lettre de M. Carlier est véritablement une grande leçon, un avertissement important.

Dans ce moment surtout où les membres des deux Chambres se vouent si exclusivement aux intérêts matériels, cette lettre d’un négociant qui montre une si vive et si touchante sollicitude pour une pensée ne saurait manquer de frapper et de faire beaucoup réfléchir ceux qui ont l’œil fixé sur le pays. Ce négociant est électeur sans doute ; et n’est-ce pas un progrès national immense, lorsque ceux qui font les législateurs voient plus loin que les législateurs eux-mêmes ?

C’est aussi un symptôme curieux de la haute influence que conquièrent chaque jour les capacités. Si ceux qui gouvernent, et parmi lesquels nous reconnaissons avec plaisir des volontés fortes et intelligentes, daignent y prendre garde, nous ne doutons pas qu’ils ne lisent, comme nous, dans ce simple fait, la nécessité d’ouvrir leurs rangs à des hommes que la France adopte elle-même et si largement. Il ne faut pas oublier que l’intelligence aussi nomme ses députés et qu’il serait plus habile encore que généreux d’absorber dans un centre commun, pour les diriger et les cultiver, ces royautés qui s’exercent au dehors, la plupart du temps dans un but hostile ou individuel.


II

NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.


Claude Gueux, par Victor Hugo. — Extrait de la Revue de Paris. Paris, Éverat, imprimeur, rue du Cadran, n° 16, 6 septembre 1834. Plaquette in-8o, couverture imprimée. Réimpression de l’article paru dans le tome VII de la Revue de Paris, le 6 juillet 1834.

Claude Gueux… — Par Victor Hugo, de l’Académie française. Paris, Charpentier, libraire-éditeur, rue de Lille, n° 17 (imprimerie Plon frères), 1844, in-18, couverture imprimée. Prix : 3 fr. 50.

Claude Gueux… — Œuvres illustrées de Victor Hugo. Édition J. Hetzel. Paris, librairie Marescq et Cie, rue du Pont-de-Lodi, n° 5 ; librairie Blanchard, rue de Richelieu, n° 78 (imprimerie Simon Raçon et Cie), 1853. Grand in-8o, couverture imprimée. Illustrations de Gavarni. Prix : 70 centimes.

Claude Gueux… — Collection Hetzel, Lecou, éditeur, Paris, rue du Bouloi, n° 10 (imprimerie Simon Raçon), 1856-1857. Édition collective in-16. Prix : 3 fr. 50.