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NOTE DE L’ÉDITEUR.




Cette préface que nous publions ici constitue plus et mieux qu’un reliquat. C’est, comme le dit Victor Hugo, « un quasi-ouvrage » sur sa philosophie religieuse personnelle. À ce titre, nous devions lui assigner une place spéciale et la détacher du Reliquat en empruntant les caractères typographiques du roman lui-même.

Si la seconde partie n’avait pas été une ébauche, ainsi que le constate Victor Hugo, si elle avait été rédigée, coordonnée comme la première, nous aurions placé cette préface en tête comme une œuvre achevée.

Elle se présente ici comme un document du plus haut intérêt. Car si la pensée n’a pas, dans la seconde partie, complètement déployé ses ailes, elle se présente sous une forme concise et par cela même si saisissante qu’elle appelle les méditations de tous ceux qui se passionnent pour les problèmes de la philosophie religieuse.

On ne manquera pas d’observer que Victor Hugo n’a jamais écrit de grandes préfaces. Et cependant il en a eu souvent le projet.

Qu’il entreprît les Misérables, les Travailleurs de la Mer, l’Homme qui Rit, il prenait le soin de fixer dans des notes l’idée maîtresse qui se dégageait du roman. C’est qu’en effet, dans chaque livre, il exposait une thèse, il défendait un principe, il combattait pour une réforme, et il semblait vouloir soulager son cœur en traçant sur de petits bouts de papier sa profession de foi, véritable confidence à ses lecteurs. Il multipliait les fragments, les indications, et il les gardait dans ses papiers. Cette préface des Misérables a subi le sort de toutes les ébauches. Cependant Victor Hugo n’entassait pas ces notes copieuses, avant-coureuses de longs développements, pour ne pas les utiliser ; mais soit qu’il fût pressé par le temps, au moment où il livrait ses manuscrits à l’impression, soit qu’il eût confiance dans la clairvoyance de ses lecteurs, il condensait en douze ou quinze lignes toutes les pages enfouies dans ses dossiers. Oh ! certes, il a dû regretter plus d’une fois de s’être montré si laconique, car il semble, en écriant cette longue préface, avoir eu l’intuition, la divination que ses intentions seraient travesties et méconnues.

La trace de cette préoccupation s’accuse d’une façon très éclatante. Lorsqu’en 1860 il songe à reprendre l’œuvre interrompue en 1848, que fait-il tout d’abord ? Il lit son ancien manuscrit et ses notes pendant plus de trois semaines, à partir du 26 avril 1860 jusqu’au 21 mai, ainsi que l’attestent ses carnets. Va-t-il poursuivre son travail, vivre avec ses héros, présenter les péripéties de son drame ? Non. Il pense qu’il y a au-dessus de Jean Valjean, de Marius, de Fantine, de Cosette et de l’évêque Bienvenu une idée morale à mettre en lumière, et il se consacre tout entier à sa préface, probablement en juin et en juillet puisqu’il la date du 14 août ; on y lit cette phrase significative : « Il n’est point mal qu’une étude de ce genre qui a l’humanité pour objet