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PRÉFACE PHILOSOPHIQUE.

XI


À cet ensemble qui vient d’être ébauché, ajoutez des astres étranges, des lumières désordonnées, des comètes, des apparitions. Des masques de l’abîme surgissent du fond de l’ombre, et se mêlent brusquement aux mondes, et leur font des surprises. Diri arsere cometae, s’écrie Virgile. La comète de Calixte II occupait les deux tiers du ciel. Qu’est-ce que cette comète de Louis XIV (1652), au dire d’Hévélius, aussi grosse que la lune, et que cette comète de Néron, au dire de Sénèque, aussi grosse que le soleil ? Qu’est-ce que cette étrange comète de 1680 ? Elle marque la révocation de l’édit de Nantes, et, en remontant de cinq cent soixante-quinze ans en cinq cent soixante-quinze ans, on la retrouve vers l’an mille de l’Apocalypse, puis en 531, sous le consulat de Lampadius et d’Orestes ; elle semble guider Totila ; puis en 44 avant Jésus-Christ, elle éclaire les ides vengeresses de mars et elle tient la torche à ceux qui tuent César, et, en continuant ainsi, on arrive à l’époque même du grand sinistre de la terre. Elle assiste au déluge. Depuis l’origine des siècles, la terre regarde les comètes avec anxiété. La trace de leur passage est parmi les plus anciens souvenirs des hommes. Il n’y a pas seulement la comète de Charles-Quint, la comète de Louis XI, la comète de Louis le Débonnaire, la comète de Justinien, la comète de Gordien III, la comète de César, il y a la comète de Mathusalem. Abraham a vu une comète ; les livres rabbiniques en font foi. La Chine parle encore avec inquiétude de la comète observée par l’astronome Ma-Tuan-Lin, quatre cent soixante-quatre ans avant Jésus-Christ. Les comètes jadis ont épouvanté l’astrologie, elles déconcertent maintenant l’astronomie. Purbah et Regio Montanus ont essayé les premiers calculs ; mais une sorte d’effroi religieux y est mêlé. Jacques Bernoulli, tout en calculant les éléments de la comète de 1680, disait : « Le corps de la comète n’est pas un signe visible de la colère céleste, mais la queue pourrait bien en être un. »

Quelques-unes des lois cométaires ont été devinées par Dœrfel et confirmées par Newton. À l’exception du cercle, qui semble n’appartenir qu’aux planètes, toutes les sections coniques, ellipse, hyperbole et parabole sont décrites par les orbites des comètes. Jamais d’orbite serpentant, quoiqu’on ait longtemps cru le contraire. Cela dit, on ne sait plus rien. Les calculs