LE MANUSCRIT
des
MISÉRABLES.
Le manuscrit des Misérables est relié en deux volumes ; le premier contient les trois premières parties, le second les deux dernières. Nous y avons joint la Préface philosophique, les Reliquats publiés pour la première fois dans cette édition, les notes et les brouillons. Le premier volume comprend 945 feuillets numérotés à l’encre rouge, dont 46 pages blanches ; le second 828 feuillets, dont 37 pages blanches.
Les Misérables ont été, on le pense bien, écrits à des époques différentes. Des années ont préparé, espacé, mûri les divers livres de cette œuvre colossale ; ces reprises de travail sont caractérisées par plusieurs détails : le papier bleu-pâle, mince, l’écriture fine et menue, un peu effacée, couvrant le recto et le verso de la page, marquent nettement la première période (1845 à 1848) ; puis l’écriture change : droite et serrée pour les quelques pages, en général sur papier blanc, écrites vers 1851, elle devient plus nette, plus appuyée, plus large, et ne remplit qu’un côté des feuillets d’un bleu plus soutenu, d’un papier plus fort, lors de la dernière reprise de travail fin 1860, à 1862.
Pourtant, quelle que soit l’année, le format est presque toujours le même : 27 centimètres de hauteur sur 21 de largeur.
On rencontre souvent, au cours des chapitres, de petits traits horizontaux : ces signes indiquent les reprises de travail ou les interruptions.
Nous décrirons seulement ici le manuscrit de la première partie, Fantine, contenue dans ce volume ; le manuscrit complet est si fertile en remaniements, en ajoutés, qu’on nous saura gré de cette division qui, sans fatiguer le lecteur, nous permettra de le guider dans ce labyrinthe si curieux, si attachant et si imprévu.
Nous trouverons au cours de cette première partie la copie de certains chapitres ou fragments de chapitres de la première période coupant quelquefois le manuscrit original au milieu d’un livre, et déroutant au premier abord. Cette copie, malheureusement incomplète, est pourtant presque aussi intéressante que l’original même ; elle est augmentée, raturée, annotée et surchargée par l’auteur. On y trouve non seulement des variantes de mots et de titres, mais des modifications de caractères ou de pensée ; tel développement philosophique ou politique qui ne serait pas venu sous la plume de Victor Hugo en 1845 se trouvait en quelque sorte dicté par les événements quinze ans plus tard, et c’est sur cette copie qu’on suit ligne à ligne les transformations qui se sont opérées de 1845 à 1862 dans la vie et dans l’esprit