leur cellule, meublée d’un petit lit, d’une chaise et d’un prie-Dieu. Elles se lèvent à cinq heures du matin et font quatre repas par jour, du pain sec le matin et l’après-midi, à midi le dîner, à huit heures du soir le souper. Elles font presque toujours maigre et ne mangent jamais de viande rôtie.
Le prêtre au confessionnal leur est caché par un rideau de serge noire cloué. Un jour il y avait un trou à ce rideau, on le boucha avec une écumoire. Un autre jour, dans la première classe, la mère Sainte-Agnès cria brusquement : Baissez vos voiles, mes sœurs ! C’était le jardinier qui entrait pour exécuter un ordre de la supérieure, un vieillard de soixante-dix ans tout voûté.
Toute personne qui séjourne au couvent plus d’une semaine prend l’habit de repentante.
Les prises de voile ont lieu une fois par an. Ce jour-là c’est fête. Il y a récréation. On peut même parler.
TROISIÈME PARTIE. — MARIUS.
Le Reliquat de la troisième partie est très important, quoiqu’il ne s’applique qu’à un seul livre : Patron-Minette. Ce livre, intercalé en 1862, comprenait huit divisions. Victor Hugo n’en détacha pour son roman que les deux premières qu’il scinda en quatre chapitres. Une note assigne au reste du livre une autre destination :
Provisoirement je réserve ce livre pour mon travail sur l’Âme. Je n’en extrais pour les Misérables que les chapitres i et ii.
Voilà pourquoi ce Reliquat débute par la division III.
Si l’on excepte de ce Reliquat un fragment, publié dans Choses vues, on y trouve presque un livre entier inédit. On peut se demander pourquoi Victor Hugo l’a détaché de son roman. C’est qu’il avait été entraîné au delà des limites de son cadre. Ayant donné les portraits de son trio de bandits : Claquesous, Gueulemer et Babet (Montparnasse n’existait pas encore), il avait été tout naturellement conduit à pénétrer plus avant dans les bas-fonds de la société, et à se livrer à des considérations philosophiques sur le mal social souterrain produit par deux indigences : « celle qui ne mange pas, ou la misère, celle qui ne pense pas, ou l’ignorance » ; d’où cette conséquence que le moraliste devait s’appliquer à un vaste travail d’attaque sur le mal ; et, dans un curieux passage, Victor Hugo exposait que ce mal étant dans l’ombre était derrière la matière, et que la loi du progrès consistait à imposer de plus en plus à la matière sa condition de servante. Si l’on ne pouvait supprimer la souffrance, on devait tout au moins tenter de diminuer le nombre des malheureux et arriver à la suppression de la misère par la suppression de l’ignorance, et à la suppression de l’ignorance par l’enseignement gratuit et obligatoire.
Toutes ces idées fort simples étaient ingénieusement et éloquemment développées. Mais elles avaient le caractère d’un plaidoyer en marge du roman. Victor Hugo pensa que, malgré le lien étroit entre la défense de sa thèse et ses Misérables, il ris-