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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IV.djvu/570

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RELIQUAT DES MISÉRABLES.

code, aucune bible, aucune construction politique ou religieuse ne fera qu’une femme, avec une lueur céleste dans les yeux, me dise : je t’aime ! C’est là l’or ; c’est là le bonheur.


Le bonheur, pierre philosophale.

Sur ce côté de la fatalité, l’homme ne peut rien. Rêver des réformes dans la région des prodiges, proposer des amendements au mystère, c’est rabâcher l’inutile ; c’est perdre le temps ; c’est laisser tomber les minutes goutte à goutte pour faire des ronds dans l’éternité. Quant à nous, réformateurs ardents du contingent et du relatif, nous n’avons devant l’absolu que de la rêverie et de l’agenouillement. Le mal n’est le mal pour nous qu’autant que nous pouvons le mesurer à la mesure morale qui est en nous. Nous nous sentons qualité et autorité pour flétrir Néron ou Contrafatto ; mais il nous est impossible d’affirmer qu’une tempête soit un crime et qu’un tremblement de terre soit une trahison. Un coup de couteau nous indigne ; nous ne nous sentons pas juge d’un coup de tonnerre. Nous ne traduisons point à notre barre l’éruption du Chimborazo. Nous reprochons Delacollonge à la civilisation ; nous ne reprochons pas le crocodile à Dieu. Nous ne corrigeons pas la création ; nous ne mettons pas de chevilles à la mécanique céleste. Notre philosophie n’offre pas un frein de son invention à ces locomotives qu’on nomme les astres. Quand l’ouragan épelle la nuit et la mer, répétant sans cesse les mêmes phrases, nous ignorons ce qu’il dit et à qui il parle, et nous le laissons bégayer. Nous ne faisons point de ratures à l’insondable. Nous n’aidons point l’Inconnu énorme. Nous ne sommes point de ceux qui jugent l’absolu, discutant et réprimandant l’élément, trouvant ceci mauvais, cela bon, et font de temps en temps un signe de satisfaction à l’infini. Nous ne disons point à Dieu : bon élève.


Entendons-nous. Qu’il faille absolument prendre en bloc la création entière comme fatale, est-ce là ce que nous prétendons ? En aucune manière. Se croiser les bras purement et simplement devant le Tout mystérieux n’est pas le fait de l’homme. L’homme est esprit et par conséquent a pour fonction un vaste travail d’attaque sur le mal. Le mal, étant de l’ombre, est derrière la matière. Tourner la matière, c’est le devoir de l’intelligence. Tourner la matière, lui faire subir le sévère examen de l’âme, l’accabler de questions, ne jamais la laisser tranquille, voilà le saint labeur du progrès. L’esprit humain combat la pesanteur et la nuit, masse difforme, double et une ; il sonde, fouille, creuse, perce d’outre en outre, divise, éclaire, assiège le bloc, lui livre bataille, l’entame, le bat en brèche, y applique la science, cette échelle, le prend d’assaut, le pulvérise, le met en fuite dans la molécule, et, armé du télescope, se précipite dans l’infini à la poursuite de l’atome. La contemplation du point géométrique, la rencontre de l’âme et de la monade, leur confrontation, leur identité prodigieuse, voilà sa victoire. La découverte de l’unité.

Double et gigantesque travail, physique au début, métaphysique à la fin, qui cherche Dieu, et qui trouve le bien chemin faisant. La science procède par chapitres. La matière étant sa première rencontre, est sa première fouille. La couche superficielle percée, l’homme aperçoit l’affleurement des questions divines. Doit-il pour