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II

LA COUR MARTIALE.

Tout alors dans les cours martiales était à peu près discrétionnaire. Dumas, à l’Assemblée législative, avait esquissé une ébauche de législation militaire, retravaillée plus tard par Talot au conseil des Cinq-Cents, mais le code définitif des conseils de guerre n’a été rédigé que sous l’empire. C’est de l’empire que date, par parenthèse, l’obligation imposée aux tribunaux militaires de ne recueillir les votes qu’en commençant par le grade inférieur. Sous la révolution, cette loi n’existait pas.

En 1793, le président d’un tribunal militaire était presque à lui seul tout le tribunal ; il choisissait les membres, classait l’ordre des grades, réglait le mode du vote ; il était le maître en même temps que le juge.

Cimourdain avait désigné, pour prétoire de la cour martiale, cette salle même du rez-de-chaussée où avait été la retirade et où était maintenant le corps de garde. Il tenait à tout abréger, le chemin de la prison au tribunal et le trajet du tribunal à l’échafaud.

À midi, conformément à ses ordres, la cour était en séance avec l’apparat que voici : trois chaises de paille, une table de sapin, deux chandelles allumées, un tabouret devant la table.

Les chaises étaient pour les juges et le tabouret pour l’accusé. Aux deux bouts de la table il y avait deux autres tabourets, l’un pour le commissaire-auditeur qui était un fourrier, l’autre pour le greffier qui était un caporal.

Il y avait sur la table un bâton de cire rouge, le sceau de la république en cuivre, deux écritoires, des dossiers de papier blanc, et deux affiches imprimées, étalées toutes grandes ouvertes, contenant, l’une, la mise hors la loi, l’autre, le décret de la Convention.

La chaise du milieu était adossée à un faisceau de drapeaux tricolores ; dans ces temps de rude simplicité, un décor était vite posé, et il fallait peu de temps pour changer un corps de garde en cour de justice.

La chaise du milieu, destinée au président, faisait face à la porte du cachot.

Pour public, les soldats.

Deux gendarmes gardaient la sellette.

Cimourdain était assis sur la chaise du milieu, ayant à sa droite le capitaine Guéchamp, premier juge, et à sa gauche le sergent Radoub, deuxième juge.