Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/42

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— Vous le verrez. Nous serons à Paris dans un mois.

Boisberthelot réfléchit un moment et ajouta :

— Au plus tard. M. Windham l’a dit à milord Hood.

— Mais alors, commandant, tout ne va pas si mal ?

— Tout irait bien, parbleu, à la condition que la guerre de Bretagne fût bien conduite.

La Vieuville hocha la tête.

— Commandant, reprit-il, débarquerons-nous l’infanterie de marine ?

— Oui, si la côte est pour nous ; non, si elle est hostile. Quelquefois il faut que la guerre enfonce les portes, quelquefois il faut qu’elle se glisse. La guerre civile doit toujours avoir dans sa poche une fausse clef. On fera le possible. Ce qui importe, c’est le chef.

Et Boisberthelot, pensif, ajouta :

— La Vieuville, que penseriez-vous du chevalier de Dieuzie ?

— Du jeune ?

— Oui.

— Pour commander ?

— Oui.

— Que c’est encore un officier de plaine et de bataille rangée. La broussaille ne connaît que le paysan.

— Alors, résignez-vous au général Stofflet et au général Cathelineau.

La Vieuville rêva un moment et dit :

— Il faudrait un prince, un prince de France, un prince du sang. Un vrai prince.

— Pourquoi ? Qui dit prince…

— Dit poltron. Je le sais, commandant. Mais c’est pour l’effet sur les gros yeux bêtes des gars.

— Mon cher chevalier, les princes ne veulent pas venir.

— On s’en passera.

Boisberthelot fit ce mouvement machinal qui consiste à se presser le front avec la main, comme pour en faire sortir une idée.

Il reprit :

— Enfin, essayons de ce général-ci.

— C’est un grand gentilhomme.

— Croyez-vous qu’il suffira ?

— Pourvu qu’il soit bon, dit La Vieuville.

— C’est-à-dire féroce, dit Boisberthelot.

Le comte et le chevalier se regardèrent.

— Monsieur du Boisberthelot, vous avez dit le mot. Féroce. Oui, c’est là ce qu’il nous faut. Ceci est la guerre sans miséricorde. L’heure est aux