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NOTES DE L’ÉDITEUR.



I

HISTORIQUE DE QUATREVINGT-TREIZE.

À quelle date Victor Hugo avait-il conçu Quatrevingt-treize ?

Dans une lettre du 10 janvier 1863 à son éditeur Lacroix, qui lui offrait de faire un traité pour des volumes inédits déjà tout prêts et pour les volumes de l’exil : Napoléon le petit, les Châtiments, les Discours de l’exil (Œuvres oratoires), Victor Hugo répondait :

Vous me demandez une réponse définitive, mais cette réponse ne peut être qu’un ajournement pour vous comme pour tous les autres éditeurs qui veulent bien me faire des offres. Et voici pourquoi : — Je suis au seuil d’un très grand ouvrage à faire. J’hésite devant l’immensité, qui en même temps m’attire. C’est 93. Si je fais ce livre, et mon parti ne sera pris qu’au printemps, je serai absorbé. Impossibilité de publier quoi que ce soit jusqu’à ce que j’aie fini. Il m’est donc impossible de me lier. J’ai bonne volonté absolue, et pour vous c’est une affection véritable, mais vous voyez que je ne peux qu’ajourner. Si je ne fais pas ce volume (Eheu ! labuntur anni), au printemps nous reparlerons.

Mais le printemps se passe, Victor Hugo ne donne pas signe de vie. Lacroix s’impatiente. Cette incertitude lui pèse. Il écrit une première fois, il écrit une seconde fois ; enfin Victor Hugo lui répond :

H.-H., 20 décembre [1863].

Mon cher monsieur Lacroix, le temps me manque aujourd’hui pour répondre en détail à vos deux lettres, je veux pourtant vous écrire tout de suite, car je vois que vous vous méprenez sur mon silence, cruel dites-vous. N’accusez que ces jours courts et mes yeux fatigués. Je me lève au crépuscule, je donne toutes les heures de jour au travail, qui a pour moi l’urgence du devoir, et le soir je n’y vois plus. Telle est la cause de mon retard à vous répondre, retard bien involontaire ; croyez à ma bonne amitié. Je m’en réfère à ma dernière lettre. Ne donnez pas, je vous prie, tant d’importance à de petits détails que l’éloignement grossit. La réalité, la voici : Nos relations sont bonnes, et par conséquent solides. Je ne veux pas aliéner ma liberté ni enchaîner la vôtre. Celui qui tiendra mon passé tiendra, dans une certaine mesure, mon avenir. Vous avez eu plus d’une fois des occasions que, sans doute, vous avez eu vos raisons pour négliger. Du reste, ce que je vous dis, je le dis à tous.

Je tiens à rester libre. Dans tous les cas, je ne serais en mesure d’examiner les offres de traités d’ensemble qu’après l’achèvement de 93 (s’il m’est donné de faire ce livre). Je suis également forcé, par défaut de temps, d’ajourner tout pourparler sur les Chansons des rues et des bois jusqu’après la mise à fin de mon travail actuel[1].

Comprenez, je vous prie, tout ceci ; vous êtes on ne peut mieux situé près de moi pour que nos relations continuent et s’améliorent encore, comptez sur ma cordialité entière et complète. In baste.

V. H.

Victor Hugo préparait ses notes sur Quatrevingt-treize. Lacroix persiste à le

  1. William Shakespeare. (Note de l’éditeur.)