Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/491

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26 mars 1882. Banquet à l’occasion de la 100e représentation de Quatrevingt-treize. Je suis un de ceux qui invitent, Paul Meurice est l’autre.

27 mars. Hier j’ai mangé à dîner de quoi attendre le souper. Lesclide était avec moi. À minuit et demi le souper a eu lieu. J’ai dit quelques mots. Double remerciement, aux acteurs qui avaient joué 93 et aux journalistes qui avaient bien accueilli la pièce. J’étais assis entre Mme Laurent et Mlle Gautier. On était une centaine. Souper excellent et fort cordial. Larochelle m’a adressé un speach. Je suis parti à 3 heures, les laissant en fort bon appétit. Rentré et couché à 4 heures.

CONCLUSION.

Quatrevingt-treize obtint un succès retentissant en France et en Europe. Le roman était poignant, l’histoire était présentée dans un raccourci saisissant.

La conclusion de cet historique nous sera donnée par Émile Blémont qui publia dans le Livre d’or cette page vibrante et éloquente :

Quatrevingt-treize est plus que du roman, plus que de l’histoire, c’est toute la nature et toute l’humanité, avec le « je ne sais quoi de divin » qui les enveloppe et les pénètre. Dans chacun des trois protagonistes du drame s’incarne le principe d’un des trois âges de la société humaine. Lantenac, chef monarchique et catholique, personnifie l’aveugle Foi, le Passé. Cimourdain, prêtre devenu citoyen, figure l’inflexible Justice, le Présent. Gauvain, qui affronte la mort pour donner la vie, est le héros de l’idéale Miséricorde et annonce l’Avenir. Et il n’est pas de spectacle plus tragique, plus touchant, plus majestueux, que de voir ainsi la Vertu, sous ses trois aspects de Religion, de Droit et de Conscience, se dévouer pour sauver l’enfance, « la vénérable enfance », l’innocence en fleur, l’espoir du monde. L’Évangile parle de trois rois mages qui vinrent, guidés par une étoile, adorer le Christ en sa crèche. Le temps des rois et des dieux est passé. Mais ne trouvez-vous pas dignes des plus saintes légendes ces trois petits Jésus plébéiens, vers qui viennent et pour qui se sacrifient les trois grands soldats de l’idée divine, de l’idée sociale et de l’idée humaine ? Pauvres et chers orphelins, frêles et radieux rejetons d’une race immémorialement en proie à la féodalité sacerdotale et royale, le bataillon du Bonnet-Rouge, c’est-à-dire la République, les adopte ! C’est l’histoire de France résumée en trois petites têtes blondes.

II

REVUE DE LA CRITIQUE.

C’était une tâche ardue d’écrire un livre intitulé Quatrevingt-treize, sans éveiller les colères des partis. Il fallait, pour y réussir, une âme haute et sereine capable de juger les événements et d’en tirer des leçons sans heurter les consciences des combattants. La critique a été presque unanime à rendre justice au caractère d’équité et d’impartialité que Victor Hugo a voulu imprimer à son œuvre. Nous disons presque unanime. Il y a en effet une note discordante, c’est l’appréciation de M. de Lescure ; nous l’avons reproduite, voulant conserver à cette revue son caractère habituel. Cette critique ne peut d’ailleurs porter ombrage qu’à son auteur ; en contestant l’impartialité du livre, en voulant y découvrir une apologie systématique de la Révolution, M. de Lescure prouve qu’il ne l’a pas lu ou qu’il ne l’a pas compris. Car ce