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Le Petit Journal.
Thomas Grimm.
(21 février 1874.)

… L’auteur de Quatrevingt-treize, Victor Hugo, se pose en face des déchaînements, des colères, des rages, des désespoirs de la Révolution ; il les interroge.

Au milieu de s tueries, des égorgements, des massacres sans pitié ni merci, il jette, comme un défi, trois enfants, trois têtes blondes, souriantes.

« Qu’en ferez-vous, dit-il ? L’humanité se dresse devant vous et réclame ses droits. »

Et ces enfants, fils de paysans, domptent ces indomptables chefs de bande, le républicain Gauvain, le vendéen Lantenac, l’austère révolutionnaire Cimourdain, lui-même.

Ce qu’ils en feront, ces farouches ? Ils les sauveront au péril de leur vie.

Ce qu’en fera la société, quand les fureurs seront calmées ? L’auteur nous le dira à la fin de son livre dans une sorte de vision apocalyptique.

Mais avant d’arriver à cette conclusion, voyons ses jugements sur les hommes et sur les événements.

J’ai dit que Victor Hugo n’a de complaisances ni pour les républicains combattants de l’idée nouvelle, ni pour les royalistes défenseurs des institutions abolies. Il admire leur courage, leur intrépidité ; il flétrit leurs crimes ; il les rend égaux dans l’héroïsme humain.

Le marquis de Lantenac se dévoue pour sauver du feu les trois enfants, et cet acte de compassion le rend prisonnier. Gauvain se substitue au marquis et meurt guillotiné à sa place. Parité dans le retour aux sentiments d’humanité.

Victor Hugo a la même indépendance de jugement quand il s’occupe de la Convention, cette assemblée monstrueuse et patriotique, qui organisait la victoire avec Carnot et votait la mort de Louis XVI, qui créait l’instruction publique et promulguait la « ténébreuse » loi des suspects, « le crime de Merlin de Douai» qui « faisait la guillotine visible au-dessus de toutes les têtes ». C’est Victor Hugo qui parle ainsi.

Quant aux hommes qui ont joué un grand rôle dans cette phase de la Révolution, Victor Hugo est loin de les amnistier. Il nous montre Robespierre, Danton et Marat dans un conciliabule. Robespierre, le logicien implacable ; Danton, le tribun interprète passionné de toutes les violences du peuple qui le pousse ; Marat, la bête féroce.

… Eh bien ! à tous ces hommes, tous ces crimes, toutes ces fatalités, Victor Hugo oppose l’humanité, représentée par trois enfants.

… Que fera la Révolution des trois enfants de la femme Fléchard ?

… Ayant fait triompher ses principes, et réduit les révolutionnaires à la préparation lente et continue du progrès, la Révolution fera de ces enfants des hommes libres.

Le Bien public de Paris.
Louis Ulbach.
22 février 1874.

… Derrière ce titre sombre : Quatrevingt-treize, nous trouvons, à travers des péripéties sanglantes, féroces, des idylles dont les larmes sont la rosée, des paysages dont la rosée émeut comme des larmes ; une virilité de sentiments qui fortifie le cœur, et, par intervalles, des tendresses qui l’ouvrent jusqu’au fond. Aucun autre amour que l’amour maternel ne se mêle à ce drame de la guerre civile.

Ce premier récit est l’histoire de trois pauvres petits êtres que la bataille peut broyer, que l’incendie peut dévorer, que le pas massif de la guillotine peut écraser, et qui rient, qui jasent, qui vivent, qui sont sauvés, comme le seront l’espérance et l’avenir après ces jours effroyables de la Terreur.

2e article, 1er mars.

… Est-il vrai que Quatrevingt-treize soit une œuvre de décadence et que cet illustre vieillard que rien n’a épargné soit las, comme un jeune homme de nos jours, et ploie sous l’entassement de ses peines ? Non. Je renvoie ceux qui pourraient avoir des craintes à cet égard aux pages nombreuses de Quatrevingt-treize où la force se montre comme dans le combat naval du début, où la grâce s’épanouit comme dans toutes les scènes des enfants, où la science du décor et la fraîcheur