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CONCLUSION

la mer et la nuit


I

chien de garde peut être ange gardien

Gwynplaine poussa un cri :

— C’est toi, loup !

Homo remua la queue. Ses yeux brillaient dans l’ombre. Il regardait Gwynplaine.

Puis il se remit à lui lécher les mains. Gwynplaine demeura un moment comme ivre. La rentrée immense de l’espérance, il avait cette secousse. Homo, quelle apparition ! Depuis quarante-huit heures, il avait épuisé ce qu’on pourrait nommer toutes les variétés du coup de foudre ; il lui restait à recevoir le coup de foudre de la joie. C’était celui-là qui venait de tomber sur lui. La certitude ressaisie, ou du moins la clarté qui y mène, la soudaine intervention d’on ne sait quelle clémence mystérieuse qui est peut-être dans le destin, la vie disant : me voilà ! au plus noir de la tombe, la minute où l’on n’attend plus rien ébauchant brusquement la guérison et la délivrance, quelque chose comme le point d’appui retrouvé à l’instant le plus critique de l’écroulement, Homo était tout cela. Gwynplaine voyait le loup dans de la lumière.

Cependant Homo s’était retourné. Il fit quelques pas, et regarda en arrière comme pour voir si Gwynplaine le suivait.

Gwynplaine s’était mis en marche à sa suite. Homo remua la queue et continua son chemin.

Ce chemin où le loup s’était engagé, c’était la pente du quai de l’Effroc-stone. Cette pente aboutissait à la berge de la Tamise. Gwynplaine, conduit par Homo , descendit cette pente.

De temps en temps, Homo tournait la tête pour s’assurer que Gwynplaine était derrière lui.

Dans de certaines situations suprêmes, rien ne ressemble à une intelligence comprenant tout comme le simple instinct de la bête aimante. L’animal est un somnambule lucide.