Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/160

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CARR.
Quand on tue un tyran, lui fait-on voir le fer ?

Sois tranquille, ton heure encor n’est pas sonnée. —
Je viens même ravir ta tête condamnée

Aux coups d’un fer vengeur moins pur que celui-ci.
Il désigne le poignard caché dans sa poitrine.

CROMWELL, à part.
Où veut-il en venir ?
CARR.
Viens te rasseoir ici.

Ta vie en ce moment est pour moi plus sacrée
Que la chair du pourceau pour la biche altérée.
Ou les os de Jonas pour le poisson géant
Qui le sauva des flots dans son gosier béant.

Cromwell revient s’asseoir, et jette sur Carr un regard curieux et défiant.

CROMWELL, à part.
Il faut patiemment le laisser dire.
CARR.
Écoute.
Un complot te menace, et tu comprends sans doute

Que, s’il ne menaçait que toi, je n’irais pas
Perdre à t’en informer mes discours et mes pas.
Tu me rends bien plutôt la justice de croire
Que de s’y joindre aux saints Carr se serait fait gloire !
Mais il s’agit ici de sauver Israël.
Je te sauve en passant ; tant pis !

CROMWELL.
Est-il réel,
Ce complot ? Savez-vous où la bande s’assemble ?
CARR.
J’en sors.
CROMWELL.
Vraiment ! qui donc vous ouvrit la Tour ?