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THURLOË, toujours de même.

Mais…

CROMWELL, bas à Thurloë.
Avant d’accepter il sied que je balance.

FLETWOOD, se levant.
Ah ! mylord, refusez ! — Pour vous, pour votre honneur,

J’ose...

CROMWELL, les congédiant tous de la main.
Allez tous prier, et chercher le Seigneur !
Tous sortent lentement et comme en procession. Milton, qui marche le dernier, s’arrête sur le seuil de la porte, les laisse partir, et ramène son guide vers Cromwell, qui, descendu de son fauteuil, s’est placé sur le devant du théâtre.
SCÈNE IV.
CROMWELL, MILTON.
MILTON, à part.
Non ! je n’y puis tenir, — Il faut ouvrir mon âme.
Il marche droit à Cromwell.
Regarde-moi, Cromwell !
Il croise les bras. Cromwell se retourne, et fixe sur lui un regard surpris et hautain.
Déjà ton œil s’enflamme
Sans doute, et tu diras de quel front j’ose ici

Te parler, sans avoir obtenu ta merci ? —
Car ma place est étrange en ton conseil de sages.
Si quelqu’un me cherchait parmi tous ces visages :
— Voyez ces orateurs choisis, lui dira-t-on.
C’est Warwick, c’est Pierpoint. Ce muet, — c’est Milton. —
On a Milton ; qu’en faire ? Un muet ; c’est son rôle. —
Ainsi moi, dont le monde entendra la parole.
Au conseil de Cromwell, seul, je n’ai pas de voix ! —
Mais, aveugle et muet, c’est trop pour cette fois.
On te perd à l’appât d’un fatal diadème,
Frère, et je viens plaider pour toi, contre toi-même.
Tu veux donc être roi, Cromwell ? et dans ton cœur,
Tu t’es dit : — C’est pour moi que le peuple est vainqueur.