Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/254

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Mais non, dites un mot, ma charmante tigresse,
Un mot, et vous serez, pour votre heureux sujet,
Du plus constant amour le plus céleste objet !

LADY FRANCIS, ouvrant de grands yeux étonnés.
Que dit-il donc ?
LORD ROCHESTER, à part.
Fort bien. Elle reste en extase.
Je le crois ! Ma harangue est presque phrase à phrase

Prise dans Ibrahim ou l’illustre Bassa,
Comme le turc Lysandre à Zulmis l’adressa.

C’est du Scudéry pur ! — Continuons.
Haut.
Ingrate !
Retenant Francis qui paraît encore vouloir se retirer.
Ah ! restez, ou je vais me noyer dans l’Euphrate !
LADY FRANCIS, riant.
Dans l’Euphrate !
LORD ROCHESTER.
Ou plutôt, suivez votre dessein.
Oui, prenez cette épée, et percez-m’en le sein !
Il porte la main à son côté comme pour y chercher son épée.
À part.
Point d’épée ! — Ah ! comment faire avec ce costume

Semblant de se tuer, comme c’est la coutume ?
Le moyen de poursuivre un entretien galant ? —
Mais à défaut du fer, le quatrain ? Excellent !

Si je ne la fléchis, je veux que Dieu me damne !
Haut.
Écoutez votre esclave, ô divine Mandane !
Lui présentant un parchemin roulé, noué d’un ruban rose.
Ce papier de mon cœur vous fera le tableau.

Il eût été détruit par la flamme ou par l’eau,
Si mon feu n’eût séché mes pleurs, et si, madame.
Mes larmes à leur tour n’eussent éteint ma flamme !

Prenez, lisez, jugez de mon amour ardent !
Il se précipite aux genoux de lady Francis.