Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/94

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Puis enfin j’ai choisi le doux nom d’Égérie,
Qui du sage Numa fut la nymphe chérie.
Il fut législateur, je suis du parlement ;
Cela convenait mieux. Ai-je fait sagement ?
Jugez-en. Mais voici l’amoureuse épigramme :

Il prend un air galant et langoureux.

« — Belle Egérie ! hélas ! vous embrasez mon âme !
« Vos yeux, où Cupidon allume un feu vainqueur,
« Sont deux miroirs ardents qui concentrent la flamme
« Dont les rayons brûlent mon cœur ! »
— Qu’en dites-vous ?

Carr, qui a écouté d’abord avec attention, puis avec un sombre mécontentement, se lève furieux et renverse la table.


CARR.

Démons ! damnation ! injure !

Me pardonnent le ciel et les saints, si je jure !
Mais comment de sang-froid entendre à mes côtés
Déborder le torrent des impudicités ?
Fuis ! arrière, édomite  ! arrière, amalécite !
Madianite !


LORD ROCHESTER, riant.

Ah Dieu ! que de rimes en ite !

Un autre original, plus amusant qu’Ormond !


CARR, indigné.

Tu m’as, comme Satan, conduit au haut du mont.
Et ta langue m’a dit : — Tu sors d’un jeûne austère ;
As-tu soif ? à tes pieds je mets toute la terre.


LORD ROCHESTER.

Je vous ai seulement offert un coup de vin.


CARR.

Et moi qui l’écoutais comme un esprit divin !
Moi, dont l’âme s’ouvrait à sa bouche rusée
Comme un lys de Saron aux gouttes de rosée !
Au lieu des purs trésors d’un cœur chaste et serein.
Il me montre une plaie !


LORD ROCHESTER.

Une plaie ! un quatrain ?