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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/100

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LA REINE.

Cherche.

MAÎTRE ÉNEAS.

Comment faire, mon Dieu ?

LA REINE.

Fais comme pour toi.

MAÎTRE ÉNEAS.

Mais le peuple va rester en armes jusqu’après l’exécution. Pour l’apaiser, il faut qu’il y ait quelqu’un de décapité.

LA REINE.

Qui tu voudras.

MAÎTRE ÉNEAS.

Qui je voudrai ! Attendez, madame !… L’exécution se fera la nuit, aux flambeaux, le condamné couvert d’un voile noir, bâillonné, le peuple tenu fort loin de l’échafaud par les piquiers, comme toujours. Il suffit qu’il voie une tête tomber. La chose est possible. Pourvu que le batelier soit encore là ! Je lui ai dit de ne pas se presser. (Il va à la fenêtre d’où l’on voit la Tamise.) — Il y est encore ! mais il était temps. (Il se penche à la lucarne, une torche à la main, en agitant son mouchoir, puis il se tourne vers la reine.) — C’est bien. Je vous réponds de mylord Fabiani, madame.

LA REINE.

Sur ta tête ?

MAÎTRE ÉNEAS.

Sur ma tête !


DEUXIÈME PARTIE.

Une espèce de salle à laquelle viennent aboutir deux escaliers, un qui monte, l’autre qui descend. L’entrée de chacun de ces deux escaliers occupe une partie du fond du théâtre. Celui qui monte se perd dans les frises ; celui qui descend se perd dans les dessous. On ne voit ni d’où partent ces escaliers, ni où ils vont.
La salle est tendue de deuil d’une façon particulière : le mur de droite, le mur de gauche et le plafond, d’un drap noir coupé d’une grande croix blanche ; le fond, qui fait face au spectateur, d’un drap blanc avec une grande croix noire. Cette tenture noire et cette tenture blanche se prolongent, chacune de leur côté, à perte de vue, sous les deux escaliers. À droite et à gauche, un autel tendu de noir et de blanc, décoré comme pour des funérailles. Grands cierges. Pas de prêtres. Quelques rares lampes funèbres, pendues çà et là aux voûtes, éclairent faiblement la salle et les escaliers. Ce qui éclaire réellement la salle, c’est le grand drap blanc