Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/532

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Qu'il n'aime point sa ville, au marin sur la mer
Qu'il n'aime point l'aurore après les nuits d'hiver;
Va trouver sur son banc le forçat las de vivre,
Dis-lui qu'il n'aime point la main qui le délivre;
Mais ne me dis jamais que je ne t'aime pas!
Car vous êtes pour moi, dans l'ombre où vont mes pas,
Dans l'entrave où mon pied se sent pris en arrière,
Plus que la délivrance et plus que la lumière !
Je suis à vous sans terme, à vous éperdùment,
Et vous le savez bien. — Oh ! les femmes vraiment
Sont cruelles toujours, et rien ne leur plaît comme
De jouer avec l'âme et la douleur d'un nomme ! —
Mais, pardon, vous souffrez, je vous parle de moi,
Mon Dieu! quand je devrais, à genoux devant toi,
Ne point contrarier ta fièvre et ton délire,
Et te baiser les mains en te laissant tout dire !

Régina.
Mon sort comme le vôtre, Otbert, d'ennui fut plein.
Que suis-je? une orpheline. Et vous? un orphelin.
Le ciel, nous unissant par nos douleurs communes,
Eût pu faire un bonheur de nos deux infortunes;
Mais...

Otbert, tombant à genoux devant elle.
Mais je t'aimerai ! mais je t'adorerai !
Mais je te servirai ! si tu meurs, je mourrai !
Mais je tuerai Hatto s'il ose te déplaire!
Mais je remplacerai, moi, ton père et ta mère !
Oui, tous les deux! j'en prends l'engagement sans peur.
Ton père? j'ai mon bras ; ta mère? j'ai mon cœur !

Régina.
O doux ami, merci! Je vois toute votre âme.
Vouloir comme un géant, aimer comme une femme,
C'est bien vous, mon Olbert; vous tout entier. Eh bien !
Vous ne pouvez, hélas! rien pour moi.

Otbert, se levant.
Si!

Régina.
Non, rien !
Ce n'est pas à Hatto qu'il faut qu'on me dispute.
Mon fiancé m'aura sans querelle et sans lutte;