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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/547

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C'est quelque mendiant !

Le Burgrave Cadwalla].
Quelque espion !

Le Burgrave Darius.
Arrière!

Hatto, à la fenêtre.
Qu'on me chasse à l'instant ce drôle à coups de pierre !

Lupus, Gorlois et les pages jetant des pierres.
Va-t'en, chien !

Magnus, comme se réveillant en sursaut.
En quel temps sommes-nous, Dieu puissant !
Et qu'est-ce donc que ceux qui vivent à présent ?
On chasse à coups de pierre un vieillard qui supplie !
Les gardant tous en face.
De mon temps, — noue avions aussi notre folie,
Nos festins, nos chansons... — On était jeune enfin!
Mais qu'un vieillard, vaincu par l'âge et par la faim,
Au milieu d'un banquet, au milieu d'une orgie,
Vint à passer, tremblant, la main de froid rougie,
Soudain on remplissait, cessant tout propos vain,
Un casque de monnaie, un verre de bon vin.
C'était pour ce passant, que Dieu peut-être envoie !
Après, nous reprenions nos chants, car, plein de joie,
Un peu de vin au cœur, un peu d'or dans la main,
Le vieillard souriant poursuivait son chemin.
— Sur ce que nous faisions jugez ce que vous faites !

Job, se redressant, faisant un pas, et touchant l'épaule de Magnus.
Jeune homme, taisez-vous. — De mon temps, dans nos fêtes,
Quand nous buvions, chantant plus haut que vous encor,
Autour d'un bœuf entier posé sur un plat d'or,
S'il arrivait qu'un vieux passât devant la porte,
Pauvre, en haillons, pieds nus, suppliant; une escorte
L'allait chercher; sitôt qu'il entrait, les clairons
Eclataient; on voyait se lever les barons;
Les jeunes, sans parier, sans chanter, sans sourire,
S'inclinaient, fussent-ils princes du saint-empire;