Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/570

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Tout à coup. tout à coup dans l'antre inaccessible,
Le vengeur indigné, frissonnant et terrible.
Apparaît; l'empereur met le pied sur vos tours,
Et l'aigle vient s'abattre au milieu des vautours !
Tous semblent frappés de consternation et de terreur. Depuis quelques instants Job est entré et s'est mêlé en silence aux chevaliers. Magnus seul a écouté l'empereur sans trouble, et n'a cessé de le regarder fixement pendant qu'il a parlé. Quand Barberousse a fini, Magnus le regarde encore une fois de la tête aux pieds, puis son visage prend une sombre expression de joie et de fureur.

Magnus, l'œil fixé sur l'empereur.
Oui, c'est bien lui ! — vivant !
Il écarte d'un geste formidable les soldats et les princes, marche au fond du théâtre, franchit en deux pas le degré de six marches, saisit de ses deux poings les créneaux de la galerie, et crie au dehors d'une voix tonnante.
Triplez les sentinelles !
Les archers au donjon ! les frondeurs aux deux ailes !
Haut le pont ! bas la herse ! Armez les mangonneaux !
Mille hommes au ravin ! mille hommes aux créneaux !
Soldats, courez au bois ! taillez granits et marbres,
Prenez les plus grands blocs, prenez les plus grands arbres,
Et sur ce mont, qui jette an monde la terreur,
Faites-nous un gibet digne d'un empereur !
Il redescend.
Il s'est livré lui-même. Il est pris !
Croisant les bras et regardant l'empereur en face.
Je t'admire!
Où sont tes gens? où sont les fourriers de l'empire?
Entendrons-nous bientôt tes trompettes sonner ?
Vas-tu, sur ce donjon que tu dois ruiner,
Semer, dans les débris où sifflera la bise,
Du sel comme à Lubeck, du chanvre comme à Pise?
Mais quoi? je n'entends rien. Serais-tu seul ici?
Pas d'armée, ô César! Je sais que c'est ainsi
Que tu fais d'ordinaire, et que c'est de la sorte

Que, l'épée à la main, seul, brisant une porte, 

Criant tout haut ton nom, tu pris Tarse et Cori ;
Il t'a suffi d'un pas, il t'a suffi d'un cri,
Pour forcer Gêne, Utrecht, et Rome abâtardie;
Iconium plia sous toi ; la Lombardie
Trembla quand elle vit, à ton souffle d'enfer.
Frissonner dans Milan l’arbre aux feuilles de fer;
Nous savons tout cela; mais sais-tu qui nous sommes?
Montrant les soldats.
Je t'écoutais parler tout à l'heure à ces hommes,