Aller au contenu

Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/583

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Par ce mur qui du sang but la trace livide,
Que ce cercueil d'ici ne sortira pas vide!
Les deux hommes porteurs du cercueil se remettent en marche et disparaissent du côté opposé à celui par lequel ils sont entrés. — A Job.

Qu'il choisisse, elle ou toi ! — Si tu veux fuir loin d'eux,
Fuis ! Otbert, Régina, mourront alors tous deux.
Ils sont en mon pouvoir.

Job, se cachant le visage de ses mains.
Horreur !

Guanhumara.
Laisse-toi faire,
Meurs ! Régina vivra !

Job.
Voyons ! une prière !
Mourir n'est rien. Prends-moi. prends mes jours, prends mon sang,
Mais ne fais pas commettre un crime à l'innocent.
Femme, contente-toi d'une seule victime.
Un monde étrange à moi se révèle. Mon crime
A fait germer ici dans l'ombre, sous ces monts,
Un enfer dont je vois remuer les démons,
Hideux nid de serpents, né des gouttes fatales
Qui de mon poignard nu tombèrent sur ces dalles!
Le meurtre est un semeur qui récolte le mal;
Je le sais.— Tu m'as pris dans un cercle infernal.
Que te faut-il de plus ? ne suis-je pas ta proie?
C'est juste, tu fais bien, je t'accueille avec joie,
Moi, maudit dans mes fils, maudit dans mes neveux!
Mais épargne l'enfant, le dernier! —Quoi! tu veux
Qu'il entre ici pur, noble fit sans tache, et qu'il sorte
Marqué dû signe affreux que moi, Caïn, je porte!
— Ginevra, puisqu'enfin vous avez cru devoir
Me le prendre, à moi vieux dont il était l'espoir,
A moi qui du tombeau sentais déjà l'approche,
Je ne veux point ici vous faire de reproche, —
Enfin, vous l'avez pris et gardé près de vous,
Sans le faire souffrir, ce pauvre enfant si doux,
N'est-ce pas ? Vous avez, o bonheur que j'envie!
Vu s'ouvrir son œil d'aigle interrogeant la vie,

Et son beau front chercher votre sein réchauffant, 

Et naître sa jeune âme !... — Eh bien ! c'est votre enfant,