Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/80

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la serrerais sur mon cœur, Joshua ! Joshua, je donnerais, non cent ans de vie, puisque je n’ai plus qu’un jour, mais l’éternité que j’aurai demain, pour la voir me sourire encore une fois, une seule fois avant ma mort, et me dire ce mot adoré qu’elle me disait autrefois : Je t’aime ! — Joshua, Joshua, c’est comme cela, le cœur d’un homme qui aime. Vous croyez que vous tuerez la femme qui vous trompe ? Non, vous ne la tuerez pas, vous vous coucherez à ses pieds après comme avant, seulement vous serez triste. Tu me trouves faible ? Qu’est-ce que j’aurais gagné, moi, à tuer Jane ? Oh ! j’ai le cœur plein d’idées insupportables ! Oh ! si elle m’aimait encore, que m’importe tout ce qu’elle a fait ? Mais elle aime Fabiani ! mais elle aime Fabiani ! c’est pour Fabiani qu’elle vient ! Il y a une chose certaine, c’est que je voudrais mourir ! Aie pitié de moi, Joshua !

JOSHUA.

Fabiani sera mis à mort aujourd’hui.

GILBERT.

Et moi demain.

JOSHUA.

Dieu est au bout de tout.

GILBERT.

Aujourd’hui je serai vengé de lui. Demain, il sera vengé de moi.

JOSHUA.

Mon frère, voici le second constable de la Tour, maître Éneas Dulverton. Il faut rentrer. Mon frère, je te reverrai ce soir.

GILBERT.

Oh ! mourir sans être aimé ! mourir sans être pleuré ! Jane !… Jane !… Jane !… (Il rentre dans le cachot.)

JOSHUA.

Pauvre Gilbert ! mon Dieu ! qui m’eût jamais dit que ce qui arrive arriverait ?

Il sort. — Entrent Simon Renard et maître Éneas.



Scène II.

SIMON RENARD, MAÎTRE ÉNEAS DULVERTON.
SIMON RENARD.

C’est fort singulier, comme vous dites, mais que voulez-vous ? la reine est folle, elle ne sait ce qu’elle veut. On ne peut compter sur rien, c’est une