Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome V.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
MAGLIA.

Les coups d’épingle font plus que les coups de foudre.
Vois-tu, dans un acide intime se dissoudre,
Avoir toujours le bât qui blesse à quelque endroit,
Être en tout rebroussé, n’avoir pas même droit
De geindre et de remplir de plaintes la contrée,
Nulle méchanceté n’étant là démontrée,
Et, pour gâter la vie, avenir et présent,
La contradiction des humeurs suffisant,
Avoir pour vis-à-vis deux yeux fixes maussades ;
Rendre, la patience échappant, les ruades ;
Lutter ; être bourreau tout en étant martyr ;
Quereller, disputer, chamailler ; se sentir
L’âme attelée avec une autre en sens inverse ;
Faire la paire avec une femme diverse ;
Toujours rencontrer noir chaque fois qu’on dit blanc,
Voilà le désolant, l’écrasant, l’accablant !
On a beau faire et dire, être sage et robuste,
On a beau se résoudre à vivre comme un buste,
Se dire : — Soyons calme, ayons des angles ronds,
Vivons, tirons-nous-en le mieux que nous pourrons ; —
Bien s’aplatir, rentrer sous soi son caractère…
On finit par s’abattre, et par tomber à terre,
Saignant, morne, épuisé, vide, éreinté, fourbu.
Je ne sais si Socrate est mort pour avoir bu
D’un seul coup la ciguë ou lentement Xantippe.