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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome V.djvu/249

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LES GUEUX.

GOULATROMBA.

Si vous voulez avoir un récit admirable,
Donnez-moi dix écus. Moyennant dix écus,
Je vais, comme autrefois Hercule chez Cacus,
Chercher la Vérité qui dans son puits se cache,
Je l’empoigne aux cheveux, je la prends, je l’arrache,
Et je l’apporte ici toute nue à vos yeux,
Pleurante et rougissante ainsi que l’aube aux cieux !
Bref, dix écus, je parle, énonce, indique, expose,
Je démontre et je prouve, et vous savez la chose !

LE DUC.

Drôle ! fût-on jamais volé comme cela !
Dix écus !

Il les donne.
GOULATROMBA, à voix basse.

Dix écus !Éloignez les hommes qui sont là.
Vous êtes un seigneur illustre et magnifique,
Vous ne voudriez pas que devant eux j’explique… —
J’expliquasse est fort laid, mais ce serait mieux dit.

Le duc fait un signe aux valets, qui s’éloignent.
GOULATROMBA, prenant son gros bâton noueux caché derrière une borne.

Il me faut cent écus !

LE DUC, appelant.

Il me faut cent écus ! À l’aide ! à moi !… — Bandit !

GOULATROMBA.

Ils sont loin ! —

Avec douceur.

Ils sont loin ! — Je vous aime ainsi qu’une maîtresse ;
Lorsque je songe à vous, je pleure de tendresse,
Ô mon prince, ô seigneur bienfaisant et serein !
Vous ne voudriez pas me faire le chagrin
De vous rompre les os pour cette maigre somme !

Jouant avec son bâton.

Il me faut cent écus ! Sinon, je vous assomme !