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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome V.djvu/275

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L’ONCLE BOILOUP.

Nous sommes Laure et moi sans le sou, soyons francs.
Pourriez-vous me prêter dix louis, mon bon père ?
Dix louis ?

BOILOUP

Dix louis ? Le bon Dieu, flanqué du bon Saint-Pierre
Et de la bonne Vierge, astre des cœurs souffrants,
Descendrait de là-haut pour m’emprunter dix francs,
Et voudrait — à ce clou que voilà — mettre en gage
Le pigeon Saint-Esprit perché dans une cage,
Que je ne lâcherais pas trois sous, mon neveu,
Et que je t’enverrais au diable le bon Dieu !

Farfuche se démasque affreux vaurien, et lui dit : je vais être hideux par la ville, traîner votre nom dans les fanges, le nom de Boiloup, etc.
BOILOUP

Ah ! c’est ainsi ! — je veux que sur-le-champ on m’aille
Chercher quelque coquin n’ayant ni sou, ni maille,
Quelque bohémien hideux ayant passé
Sa vie à rapiécer son pourpoint défoncé,
Quelque affreux mendiant du coin, auquel il manque
Une table et trois pots pour être saltimbanque,
Un gueux qui pour Callot serait un objet d’art ;
Je prendrai ce vaurien, ce galeux, ce pendard,
N’importe où, dans son nid, dans son trou, sur sa paille,
Et je lui dirai : — gueux, drôle, maraud, canaille,
Horrible va-nu-pieds, rôdeur des carrefours,
Des bouges et des nuits noires comme des fours,
Croquant dont Margoton est la Vénus, maroufle
Qui vas traînant partout ta loque où le vent souffle,
Et ris, probablement d’avoir effarouché
Les corbeaux du gibet dont tu t’es décroché,
Approche ; je te fais mon fils, mon légataire ;
Je te donne mon bien, ma maison et ma terre,
Mes meubles, mon argent, tout ce que j’ai, morbleu !
Et vous en crèverez de rage, mon neveu !