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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome V.djvu/277

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GIPANIER.


V

GIPANIER, rêvant.

Que Dieu nous donne un jour le choix entre deux femmes,
L’une belle, traînant à sa suite les âmes,
Superbe, éclairant tout comme un rayon joyeux,
L’autre ayant un gros nez entre de petits yeux,
Le fou prendra la belle et le sage la laide.
L’une est la maladie et l’autre le remède.
Ah ! les belles ! j’en sors. Je viens de m’y brûler.
Cela se croit le droit de nous faire endiabler.
On est née à Pantin et l’on fait l’andalouse.
— C’est que je te tuerais, vois-tu ? je suis jalouse ! —
Au moindre choc qui vient heurter leur passion,
Leur amour, tout à coup faisant explosion,
Vous saute aux yeux avec un vacarme effroyable.
Ô femmes des romans, des poètes, du diable !
Bouteilles dont le cœur est le bouchon ! — Bruit, feu,
Vent, foudre, éclairs, torrents ! — Je préfère, morbleu,
Un peu de cendre tiède à toute cette lave.
Je veux une servante et non pas une esclave,
Je veux une bobonne et non pas un tyran.
À Léa qui prend feu quatre cents fois par an,
À Flora le tonnerre, à Rosa la tempête,
Je préfère Margot, calme, affreuse, un peu bête,
Se servant du balai sans aller aux sabbats,
Parlant mal, cousant bien, raccommodant mes bas.
Du roman Pot-au-feu je suis le personnage.
J’aime le gros bon sens de l’antique ménage ;
Plutôt que les Byrons j’écoute les Sanchos ;
Mon amour casanier veut avoir les pieds chauds.
Foin des beautés ! Margot, viens-t’en dans ma retraite.
Je donne dix volcans pour une chaufferette.


Margot, laide et bête, est une drôlesse qui le trompe.